maternité ventre femme enceinte grossesse cerveau matière grise
Crédits :nd3000/iStock -Modif. : SciencePost.fr

Comment la grossesse affecte le cerveau : une étude montre une réduction de la matière grise

Plus de 140 millions de femmes accouchent chaque année dans le monde et il ne fait aucun doute que la grossesse est probablement la période la plus transformative de la vie d’une femme. Il est en effet bien connu que la grossesse a un impact considérable sur la santé physique et mentale d’une femme enceinte. Mais dans quelle mesure affecte-t-elle le cerveau ? En analysant pour la première fois le cerveau des femmes enceintes à l’aide de techniques de neuro-imagerie, une étude a révélé l’évolution dynamique de cet organe pendant la grossesse et la période post-partum… Et visiblement, les changements sont considérables, notamment au niveau de la matière grise.

Avant tout, une piqûre de rappel : qu’est-ce que la matière grise ?

La matière grise et la matière blanche sont toutes deux composantes essentielles du système nerveux central. Environ 40 % du cerveau est constitué de matière grise tandis que 60 % est composé de matière blanche. La matière grise se constitue principalement des corps cellulaires des neurones qui jouent un rôle clé dans le traitement de l’information et la régulation de diverses fonctions cognitives et motrices.

Située dans le cortex cérébral ainsi que dans certaines structures profondes du cerveau comme l’hippocampe et les ganglions de la base, elle est impliquée dans des processus fondamentaux tels que la mémoire, la prise de décision, le contrôle des mouvements et la perception sensorielle. Contrairement à la matière blanche qui assure la transmission des signaux entre différentes régions du cerveau, la matière grise est le siège de l’analyse et de l’intégration des informations. Il est donc primordial de comprendre comment la grossesse peut altérer cette structure et quelles en sont les implications à court et long terme.

C’est précisément ce qu’ont cherché à élucider les chercheurs en analysant les modifications structurelles du cerveau des femmes enceintes au fil des mois en s’appuyant sur des techniques de neuro-imagerie avancées.

Révéler les changements structurels du cerveau pendant la grossesse

Des chercheurs de l’Université autonome de Barcelone (UAB), de l’Institut de recherche en santé Gregorio Marañón et de l’Institut de recherche de l’Hôpital del Mar, en collaboration avec d’autres institutions internationales prestigieuses ont publié la première étude longitudinale en neuro-imagerie (imagerie par résonance magnétique) sur une cohorte de 179 femmes enceintes afin de suivre les changements structurels au cours des deuxième et troisième trimestres ainsi que les six premiers mois post-partum. Les scanners réalisés avant la conception fournissent par ailleurs des données de référence.

Cette étude est la première à confirmer l’hypothèse de plus en plus répandue selon laquelle le volume de la matière grise suit une évolution en forme de U tout au long de la grossesse. « Nous révélons une trajectoire en U du volume de la matière grise qui diminue à la fin de la grossesse et récupère partiellement en post-partum », résument les auteurs dans leurs recherches.

Trajectoire suivie par la matière grise dans le cerveau des femmes enceintes avant pendant et après la grossesse
Trajectoire suivie par la matière grise dans le cerveau des femmes enceintes avant pendant et après la grossesse (ligne orange). Crédits : Camila Servin-Barthet et coll. Nature Communications, 2025.

Surtout, ces recherches publiées dans Nature Communications montrent que ces changements affectent 94 % du cerveau et sont particulièrement visibles dans le réseau du mode par défaut (MPD), une région associée à la cognition sociale. « Le volume de la matière grise diminue au cours du deuxième trimestre (de 2,7 %) et juste avant l’accouchement (de 4,9 %). Ces changements sont symétriques dans les deux hémisphères du cerveau, avec les diminutions les plus marquées dans les régions du MPD et du cortex fronto-pariétal », précise l’étude qui indique également que la matière grise qui diminue récupère partiellement après l’accouchement.

Un lien entre ces changements et les hormones de grossesse

Afin de différencier les effets biologiques de la grossesse de l’expérience de la maternité, les chercheurs ont inclus dans l’étude des mères non gestantes, ici plus précisément des femmes dont les partenaires étaient enceintes. Or, les résultats obtenus confirment que les changements observés dans le cerveau étaient principalement dus aux processus biologiques de la grossesse. « Les évaluations hormonales suggèrent que ces changements sont provoqués par les fluctuations des œstrogènes associées à la grossesse, l’estriol sulfate et l’estrone sulfate étant identifiés comme des facteurs clés, plutôt que l’expérience de la parentalité », indique l’étude.

Pour rappel, les œstrogènes sont en effet des hormones essentielles au développement sexuel et à la reproduction chez la femme. Leur taux augmente pendant la grossesse avant de revenir à un niveau de base après l’accouchement. Cette recherche a ainsi mis en évidence que des fluctuations plus importantes des niveaux d’œstrogènes étaient corrélées à des diminutions plus significatives du volume de la matière grise pendant la grossesse, suivies d’une récupération plus marquée en post-partum.

Plus important encore, en analysant l’influence possible des changements cérébraux sur le comportement maternel, l’étude a découvert que les femmes qui présentaient un taux de récupération plus élevé du volume de matière grise après l’accouchement déclaraient un lien plus fort avec leur bébé à six mois post-partum. Le bien-être maternel apparaît ainsi comme un facteur clé qui favorise l’association entre les changements cérébraux et le lien mère-enfant.

Pourquoi est-ce important ? Une avancée cruciale dans la recherche sur le cerveau maternel

Développement du fœtus et gros plan du cerveau grossesse femme enceinte
Crédits : Nadzeya Haroshka/iStock

En résumé, ces résultats apportent un nouvel éclairage sur la manière dont la grossesse remodèle le cerveau tout en mettant en avant le rôle des changements hormonaux dans la diminution du volume de la matière grise, autant de modifications qui semblent préparer le cerveau aux exigences de la maternité avec des effets potentiels à long terme sur les fonctions cognitives et sociales.

Les données obtenues constituent ainsi non seulement une référence essentielle pour comprendre la neurobiologie du cerveau maternel, mais elles servent également de base à de futures études pour explorer d’autres modalités de neuro-imagerie et des échantillons plus diversifiés qui incluraient notamment des femmes qui présentent des troubles cliniques tels que la dépression post-partum. Cela pourrait alors permettre de progresser vers une compréhension plus complète et appliquée du cerveau pendant cette période essentielle de la vie, mais aussi vers un meilleur accompagnement de la santé et du bien-être des principales concernées.

Vous pouvez consulter l’étude complète sur ce lien.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.