dinosaure Thescelosaurus
Photographie d'un dinosaure ornithopode herbivore, Thescelosaurus, datant du Crétacé supérieur, il y a près de 67 millions d'années. Crédit : Andrey Atuchin / Denver Museum of Nature & Science

Jurassic Park-ing : l’incroyable découverte d’un fossile de dinosaure à plus de 230 mètres sous l’asphalte

La transition énergétique réserve parfois des surprises inattendues. À Denver, aux États-Unis, un projet de forage géothermique mené sous le parking d’un musée a mis au jour une découverte paléontologique de tout premier ordre : une vertèbre de dinosaure vieille d’environ 67 millions d’années, enfouie à plus de 230 mètres sous terre. Une trouvaille exceptionnelle qui mêle futur durable et passé lointain.

Un projet vert, un os fossilisé

L’histoire commence en janvier 2024, lorsque le Musée de la nature et des sciences de Denver lance une étude de faisabilité pour remplacer son système de chauffage au gaz par une technologie géothermique, plus respectueuse du climat. Le projet, financé par une subvention de 250 000 dollars du Colorado, s’inscrit dans un plan global de l’État visant à décarboner ses infrastructures publiques.

Mais les scientifiques du musée y voient aussi une opportunité scientifique : en profitant du forage, pourquoi ne pas prélever des carottes géologiques pour mieux comprendre la structure du sous-sol de Denver ? Cette région, connue pour ses sédiments riches en fossiles, a longtemps été un terrain de jeu pour les paléontologues.

Ce qu’ils ne soupçonnaient pas, c’est que leur carotte allait traverser le temps jusqu’au Crétacé supérieur.

Une vertèbre sous 230 mètres d’asphalte

À environ 232 mètres, l’équipe met au jour un fragment osseux incrusté dans la roche. L’analyse révèle qu’il s’agit d’une vertèbre d’un dinosaure herbivore. Probablement un Thescelosaurus ou un Edmontosaurus, deux espèces qui vivaient dans la région peu de temps avant l’extinction massive qui a balayé la plupart des dinosaures il y a 66 millions d’années.

D’après les datations radiométriques, le fossile a environ 67,5 millions d’années. C’est, à ce jour, le fossile de dinosaure le plus profond jamais trouvé dans les limites de la ville de Denver.

Une chance sur un million

« C’est comme gagner au loto tout en se faisant frapper par la foudre », a plaisanté James Hagadorn, conservateur en géologie au musée. Une image qui reflète bien l’extrême rareté de cette découverte. Car si le bassin de Denver est propice aux fossiles, les trouver à plus de 200 mètres de profondeur, en plein cœur urbain, sous un parking, tient de l’exploit improbable.

« En 35 ans de carrière, je n’ai jamais vu une opportunité pareille », a déclaré Bob Raynolds, chercheur associé en sciences de la Terre. « Étudier avec autant de précision les couches profondes sous nos pieds, et y trouver un fragment de dinosaure, c’est tout simplement magique. »

dinosaure Thescelosaurus
La vertèbre d’ornithopode de la formation de Denver découverte dans l’une des carottes forées. Crédits : Rick Wicker / Musée de la nature et des sciences de Denver

Une fenêtre sur le Denver du Crétacé

Ce fragment osseux permet de reconstituer un instantané du Denver préhistorique. Il y a 67 millions d’années, bien avant l’émergence des Rocheuses, la région était une vaste plaine humide, bordée de forêts subtropicales, où évoluaient des dinosaures de toutes tailles. Les couches géologiques traversées lors du forage sont précisément celles de cette époque.

Pour les chercheurs, cette vertèbre n’est pas seulement un objet d’étude : elle représente une rare fenêtre sur les écosystèmes de la fin du Crétacé, quelques centaines de milliers d’années avant la chute de l’astéroïde responsable de la cinquième extinction massive.

Une exposition et une publication à venir

Le fossile est désormais exposé au public dans la galerie « Discovering Teen Rex » du musée, où il attire la curiosité des visiteurs. Il servira également de base à une publication scientifique dirigée par Holger Petermann, chercheur postdoctoral, qui participait à l’analyse du site.

Patric O’Connor, directeur des sciences de la Terre et de l’espace du musée, s’est réjoui de cette collaboration entre géologues, ingénieurs et paléontologues. « Non seulement cette découverte est inattendue, mais elle crée un pont inédit entre énergie durable et recherche fondamentale », a-t-il souligné.

Creuser pour le futur, exhumer le passé

Le projet géothermique du musée, qui visait à assurer un avenir énergétique plus propre, a paradoxalement permis de révéler un passé enfoui depuis des millions d’années. C’est un rappel fascinant que le sol sous nos pieds est une archive vivante du temps — et que chaque mètre creusé peut nous rapprocher d’un monde oublié.

Parfois, pour construire l’avenir, il faut d’abord traverser les strates du passé.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.