Roue de chariot
La Galaxie de la Roue de chariot photographiée par le JWT. Crédits : NASA, ESA, ASC,

Pourquoi il est extrêmement improbable que l’Univers soit deux fois pus vieux

Reprenant une hypothèse quasi centenaire, une étude menée par Rajendra Gupta, de l’Université d’Ottawa, a récemment suggéré que l’univers pourrait être deux fois plus vieux qu’on ne le pensait auparavant. La chercheuse a publié ses conclusions sur la base des récentes observations faites par le James Webb Telescope dans l’univers lointain. Ces affirmations ont naturellement attiré beaucoup d’attention. Et pour cause, un univers deux fois plus ancien bouleverserait notre vision du monde. Cependant, la chercheuse n’est visiblement pas près de convaincre ses pairs.

L’hypothèse de la « lumière fatiguée »

Il est communément admis que le Big Bang, le point de singularité à partir duquel sont nées les notions d’espace et de temps, s’est produit il y a 13,79 milliards d’années, à plus ou moins 20 millions d’années. Cependant, il reste encore des lacunes dans notre connaissance de certaines propriétés très basiques du cosmos et certaines anomalies à expliquer.

Les « premières galaxies » représentent l’une de ces anomalies. De récentes observations faites avec le James Webb Telescope suggèrent en effet la présence de galaxies visiblement très matures à peine 300 millions d’années après le Big Bang. Une autre de ces anomalies est HD 140283, communément appelée l’étoile Mathusalem. Selon certaines estimations, cet objet pourrait en effet avoir 14,46 milliards d’années… soit être plus ancien que l’univers lui-même.

Pour expliquer ces anomalies, Rajendra Gupta, de l’Université d’Ottawa, a relancé une idée controversée appelée l’hypothèse de la lumière fatiguée sous une nouvelle forme hybride.

Ce concept avait été proposé initialement par Fritz Zwicky en 1929 comme une alternative à la théorie de l’univers en expansion qui postule que les galaxies et les objets célestes s’éloignent les uns des autres à mesure que le temps passe. Lorsque les objets célestes s’éloignent de nous en raison de l’expansion de l’univers, les longueurs d’onde de la lumière qu’ils émettent s’allongent alors, ce qui entraîne un décalage vers le rouge du spectre lumineux.

Ici, l’idée de base de l’hypothèse de la « lumière fatiguée » est que le décalage vers le rouge, qui est normalement attribué à l’expansion, était en réalité le résultat d’une lumière traversant l’univers et perdant de l’énergie lorsque les photons interagissent avec la poussière, le gaz ou les champs d’énergie. En d’autres termes, l’univers pourrait être statique et non en expansion.

Un univers deux fois plus vieux ?

Cette idée n’a jamais été bien accueillie par les physiciens. Et pour cause, cette « lumière fatiguée » aurait dû se traduire par le flou des étoiles et des galaxies. Elle ne peut pas non plus expliquer le changement de la luminosité du ciel au fil du temps, l’asymétrie de l’univers, son spectre thermique ou encore l’existence et le rayonnement de fond cosmique.

Cependant, dans le cadre de ses nouveaux travaux, Rajendra Gupta a modifié cette idée en considérant l’équation de Paul Dirac qui implique l’interaction des particules à un niveau quantique et suggère que les constantes de couplage dans l’équation pourraient changer avec le temps en raison d’une autre constante jusque-là inconnue. Cela pourrait modifier le décalage vers le rouge et repousser l’âge observé de l’univers jusqu’à 26,7 milliards d’années.

Un univers beaucoup plus ancien expliquerait effectivement certaines choses, comme l’apparente maturité des « premières galaxies » repérées par le James Webb Telescope. Cependant, l’aphorisme de Carl Sagan selon lequel « des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires » semble être de circonstance ici. Et selon d’autres astronomes, la chercheuse n’en a aucune.

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L’image du JWT de l’amas de galaxies SMACS 0723 comprend des milliers de galaxies. Crédits : NASA, ESA, ASC et STScI

Très peu probable

Il existe en effet de très nombreuses mesures suggérant que l’âge de l’univers est d’environ 14 milliards d’années, comme le rappelle Tamara Davis, de l’Université du Queensland. « Pas seulement le fond diffus cosmologique, pas seulement le taux d’expansion mesuré à l’aide de supernovas, mais la structure à grande échelle elle-même de l’univers également, tout comme l’âge mesuré des étoiles les plus anciennes« , note la chercheuse.

En ce qui concerne l’âge de ces fameuses galaxies observées par le JWT, l’astronome rappelle qu’il y a eu des difficultés d’étalonnage avec l’observatoire qui ont maintenant été corrigées. La distance à ces galaxies, et donc leur âge, avait été estimée en utilisant la luminosité relative des différentes parties du spectre. Au fur et à mesure que les astronomes se sont familiarisés avec l’instrument, ils ont ensuite pu affiner leurs estimations pour obtenir des mesures plus cohérentes avec un univers vieux de près de 14 milliards d’années.

Quant à la plus ancienne étoile connue de la Voie lactée, son âge a effectivement été estimé à 14,46 milliards d’années, mais avec une marge d’erreur de 800 millions d’années. Ainsi, bien qu’il n’y ait aucun doute sur le fait que cette étoile soit très ancienne, les estimations basses le sont suffisamment pour éviter tout conflit avec l’âge de l’univers.

De même, une étude récente avait situé l’âge du plus ancien amas d’étoiles globulaire connu proche de 13,8 milliards d’années. Si l’univers était effectivement deux fois plus ancien, nous nous attendrions à observer des amas âgés d’au moins 20 milliards d’années. Or, ce n’est pas le cas.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.