Et si une simple perfusion suffisait à libérer des millions de patients du fardeau quotidien de l’insuline ? Une nouvelle avancée thérapeutique, encore expérimentale mais prometteuse, pourrait bien transformer à jamais le traitement du diabète de type 1. Présentée dans The New England Journal of Medicine, cette approche mise sur des cellules pancréatiques cultivées en laboratoire capables de restaurer naturellement la production d’insuline.
Une maladie auto-immune, un traitement centenaire
Le diabète de type 1 affecte plus de 8 millions de personnes dans le monde. Contrairement au diabète de type 2, cette forme n’est pas liée à un mode de vie sédentaire ou à l’alimentation, mais à une défaillance du système immunitaire. Celui-ci s’attaque aux cellules bêta du pancréas, responsables de la production d’insuline — une hormone vitale qui permet au glucose de pénétrer dans les cellules et d’y être utilisé comme source d’énergie.
Sans insuline, le sucre s’accumule dans le sang, provoquant de graves complications : atteintes nerveuses, rénales, oculaires, voire coma. Depuis plus d’un siècle, l’unique solution repose sur l’administration quotidienne d’insuline, par injections ou via des pompes, accompagnée d’un suivi méticuleux de la glycémie. Un traitement qui sauve des vies, mais qui n’imite pas parfaitement la régulation naturelle du corps.
Une solution radicale : remplacer les cellules perdues
En 2023, un premier pas important a été franchi avec l’autorisation d’une thérapie cellulaire utilisant des îlots pancréatiques prélevés sur des donneurs d’organes. Ces îlots contiennent les fameuses cellules bêta. Une avancée significative, mais freinée par la rareté des donneurs et la variabilité de la qualité des greffons.
C’est pour surmonter ces limites que la biotech américaine Vertex Pharmaceuticals a misé sur une solution encore plus ambitieuse : produire ces îlots pancréatiques en laboratoire, à partir de cellules souches humaines. Une prouesse technique qui ouvre la voie à une production à grande échelle, standardisée, et théoriquement illimitée.
Des résultats spectaculaires
Dans un essai clinique mené auprès de 14 patients atteints de diabète de type 1, 12 ont reçu une dose complète de ces cellules, désormais appelées zimislecel. Un an après la perfusion, 10 d’entre eux ont pu interrompre totalement leur traitement par insuline, tandis que les deux autres ont réduit leurs doses de 60 à 70 %.
Comment ça fonctionne ? Injectées dans le foie — qui, étonnamment, semble être un environnement favorable à leur implantation — les cellules fabriquées en laboratoire détectent le taux de sucre dans le sang et sécrètent de l’insuline en conséquence, de manière autonome. Pour les patients, cela signifie un retour à un équilibre glycémique quasi naturel.

Les limites de l’approche
Mais cette avancée n’est pas exempte de défis. Comme toute greffe, cette thérapie nécessite un traitement immunosuppresseur à vie pour éviter que l’organisme ne rejette les nouvelles cellules. Ces médicaments peuvent entraîner des effets secondaires : nausées, diarrhées, vulnérabilité accrue aux infections… Deux décès ont été recensés dans l’étude, sans lien direct avec le traitement, selon les chercheurs.
C’est pourquoi nombre de scientifiques, dont Giacomo Lanzoni de l’Université de Miami, soulignent l’urgence de développer des solutions qui ne reposent pas sur l’immunosuppression à long terme. Des pistes sont déjà explorées, comme encapsuler les cellules dans des dispositifs qui les protègent du système immunitaire, ou modifier génétiquement les cellules greffées pour les rendre invisibles à l’organisme.
Vers une révolution thérapeutique ?
La thérapie de Vertex, bien qu’encore au stade expérimental, est d’ores et déjà élargie à une cohorte de 50 patients. L’entreprise espère soumettre une demande d’autorisation de mise sur le marché dès 2026, en s’appuyant sur les résultats de cette étude élargie. Si tout se passe comme prévu, cette méthode pourrait représenter la première thérapie curative du diabète de type 1.
Plus qu’une innovation médicale, il s’agit d’un changement de paradigme : passer d’un traitement palliatif — maintenir artificiellement l’insuline — à une véritable régénération des fonctions naturelles de l’organisme.
