ULA fusée Vulcan
Crédits : Josh Dinner

La fusée Vulcan s’envole pour la première fois, mais le futur de ULA demeure encore incertain

Après des années de retards, des milliards de dollars de financement fédéral et une explosion spectaculaire du deuxième étage, la grande et impressionnante fusée Vulcan de United Launch Alliance (ULA) a enfin pris son envol, avec à son bord l’atterrisseur lunaire Peregrine. Le décollage du véhicule a eu lieu depuis la station spatiale de Cap Canaveral, en Floride. Il s’agit d’un moment absolument crucial pour la société.

Une brève histoire de ULA

Il y a encore vingt-cinq ans, Lockheed et Boeing, deux géants de l’aérospatiale aux États-Unis, dominaient le marché des lancements pour l’armée américaine et de nombreuses missions scientifiques de la NASA.

Cependant, ils rencontraient des difficultés à remporter des contrats dans le secteur émergent des lancements commerciaux de satellites, se retrouvant en concurrence avec des acteurs tels qu’Arianespace en Europe et la Russie. Incapables de rivaliser sur le plan tarifaire avec ces concurrents, Lockheed et Boeing avaient concentré leurs efforts sur les contrats gouvernementaux américains.

La compétition s’était alors intensifiée, avec des allégations de vol de conceptions de fusées par Boeing à Lockheed. Le ministère de la Justice américain a même ouvert une enquête sur la manière dont Boeing avait acquis des milliers de pages de secrets commerciaux détenus par Lockheed Martin.

Des procédures judiciaires avaient ensuite suivi, soulevant des préoccupations quant à la viabilité de l’activité fusées de Boeing. Les responsables militaires craignaient que l’arrêt des vols du Delta par Boeing ne laisse comme seule option d’accès à l’espace le moteur russe RD-180 propulsant l’Atlas V de Lockheed.

Pour assurer un accès redondant à l’espace avec deux familles de fusées distinctes, le ministère de la Défense a négocié un accord en vertu duquel Lockheed et Boeing fusionneraient leurs activités de construction de fusées pour former une seule et même entreprise, United Launch Alliance, en 2005, ce qui a marqué un tournant significatif dans l’industrie spatiale américaine.

Effondrement du monopole

L’objectif principal de ULA était simple : fournir des services de lancement fiables et abordables pour une variété de missions, notamment des satellites militaires, des satellites de communication, des sondes spatiales scientifiques et d’autres charges utiles destinées à l’orbite terrestre et au-delà. Au cours de ces vingt dernières années, ULA aura ainsi travaillé en étroite collaboration avec divers partenaires, notamment la NASA, le ministère de la Défense américain, des entreprises privées et des organisations internationales.

Cependant, plus récemment, ULA est passée du statut de titan de l’industrie américaine des lancements à celui de second violon face à son ancien concurrent SpaceX. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023, la société d’Elon Musk a lancé 98 fusées, contre seulement trois pour United Launch Alliance.

spacex falcon 9 ULA
Source: DR
La fusée Falcon 9 de SpaceX, véritable « bête noire » de ULA. Crédits : SpaceX

Quel avenir ?

Le lancement de cette nouvelle fusée Vulcan se présente ainsi comme un moment absolument charnière pour la société. La bonne nouvelle, c’est que le cahier des charges du véhicule est déjà bien rempli. L’armée compte en effet s’appuyer dessus pour lancer des dizaines de satellites au cours des cinq prochaines années. Amazon cherche également à lancer des milliers de satellites Internet du projet Kuiper sur le Vulcan plus tard cette décennie. Et il existe également d’autres clients commerciaux.

Si ULA parvient à faire voler sa fusée en toute sécurité et à une cadence régulière (ce qui sera difficile, mais pas impossible), alors l’incroyable défi posé par SpaceX pourrait être surmonté, du moins pour un temps.

Mais malgré tout, des nuages ​​orageux pointent à l’horizon. Au-delà du long manifeste de clients, nous savons en effet que les propriétaires d’ULA, Lockheed Martin et Boeing, pourraient vendre la société, à condition qu’un acheteur soit prêt à payer le juste prix. Trois acteurs seraient d’ailleurs sur le coup, dont Blue Origin et une grande société de capital-investissement nommée Cerberus.

Un nouveau propriétaire pourrait cependant revigorer l’ULA. Au cours des deux dernières décennies, Lockheed et Boeing ont en effet principalement retiré des bénéfices de la société plutôt que d’investir. Un changement de modèle pourrait donc être bénéfique. Seul l’avenir nous le dira.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.