Si tout se passe comme prévu, dans quatre ans, un moteur-fusée à propulsion nucléaire sera lancé dans l’espace pour la première fois. La NASA a confirmé ce mercredi qu’elle s’associait au département américain de la Défense pour lancer un véhicule de démonstration dès 2027. Mais pourquoi développer un tel projet ?
Une idée qui ne date pas d’hier
La propulsion chimique traditionnelle est idéale pour soulever des fusées dans le but de les extraire de la gravité terrestre. Malgré tout, cette approche est très gourmande en carburant, tandis que les vitesses orbitales restent limitées. Aller jusqu’à Mars, nécessiterait par exemple une énorme quantité de propulseurs, tandis que le voyage prendrait au moins six mois. Cependant, il existe une alternative : la propulsion thermique nucléaire.
L’idée avait déjà été évoquée. Wernher von Braun, l’ingénieur allemand qui a fait défection aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale, avait lui-même reconnu le potentiel de la propulsion thermique nucléaire avant même que sa fusée Saturn V n’envoie des humains sur la Lune dans le cadre du programme Apollo. L’idée de base était simple : un réacteur nucléaire chauffe rapidement un propulseur (essentiellement de l’hydrogène liquide), puis ce gaz se dilate et sort d’une tuyère, créant une poussée.
Ce potentiel avait conduit au développement d’un projet appelé NERVA (Nuclear Engine for Rocket Vehicle Application). Ce dernier a finalement été annulé pour des raisons budgétaires, la NASA préférant allouer une grande partie de son budget au programme de la navette spatiale. En outre, concevoir un tel moteur est un vrai défi technique, sans compter les préoccupations éthiques liées à l’utilisation d’une énergie nucléaire.
Une démonstration dès 2027
Depuis, la technologie s’est fait un peu oublier. Elle est finalement revenue sur le devant de la scène il y a trois ans. À l’époque, la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) avait en effet déclaré vouloir tester un système de propulsion nucléaire thermique capable d’être piloté, jetant ainsi les bases d’un programme appelé DRACO (Demonstration for Rocket to Agile Cislunar Operations).
Au départ, seule l’armée était intéressée, le but étant de placer efficacement et plus rapidement des charges utiles autour de la Terre et de la Lune. Finalement, la NASA s’est également jointe au projet dans le but de développer une technologie similaire pour une mission sur Mars.
Ce mercredi 26 juillet, la NASA et la DARPA ont annoncé avoir jeté leur dévolu sur l’entreprise Lockheed Martin pour assembler le véhicule expérimental et son moteur. Une autre société (BWX Technologies) développera le réacteur nucléaire sous la houlette de la NASA. Elle fabriquera aussi le combustible d’uranium faiblement enrichi à haut dosage pour l’alimenter.

Comment la mission va-t-elle se dérouler ?
Le véhicule à propulsion nucléaire sera lancé dans le carénage de la charge utile d’une fusée Falcon 9 de SpaceX ou d’une fusée Vulcan de United Launch Alliance. Physiquement, il ressemblera beaucoup à l’étage supérieur d’une fusée conventionnelle. Il se composera d’un grand réservoir de carburant à hydrogène, d’un réacteur nucléaire, d’une structure de support de vaisseau spatial et d’une tuyère.
Le réacteur nucléaire sera lancé en 2027 en mode « froid » pour des raisons de sécurité. Il ne sera mis en marche que lorsqu’il aura atteint une orbite suffisamment haute. Cette orbite finale n’a pas encore été déterminée, mais elle se situera probablement entre 700 et 2 000 km au-dessus de la Terre. De cette manière, les ingénieurs de la mission s’assurent que la rentrée du véhicule dans l’atmosphère n’aura lieu que plusieurs centaines d’années après toute réaction nucléaire.
Une fois le moteur mis en marche, l’hydrogène liquide sera chauffé de 20 Kelvins (20° Celsius au-dessus du zéro absolu) à environ 2 700 Kelvins en moins d’une seconde.
Quant au résultat attendu, il faudra patienter jusqu’en 2027. En effet, de nombreuses inconnues entourent encore les performances d’un tel réacteur et de son combustible dans l’espace. Par ailleurs, il sera important de garder à l’esprit qu’il ne s’agit que d’un moteur de démonstration. La NASA devra donc probablement effectuer une série d’ajustements dans le but de produire un moteur sûr et efficace.
