Nucléaire : et si nous pouvions rejoindre Mars en seulement 45 jours ?

fusée nucléaire Mars
Concept d'une fusée thermique nucléaire en orbite terrestre basse. Crédit : NASA

Ă€ l’heure actuelle, envoyer des humains sur Mars impliquerait des missions de plusieurs mois lancĂ©es Ă  des moments bien prĂ©cis. Or, des trajets aussi longs ne seraient pas sans risques pour les astronautes Ă  bord et la meilleure façon de les Ă©viter serait de raccourcir le temps de voyage. Pour ce faire, le nuclĂ©aire paraĂ®t tout indiquĂ©. 

Pour quitter la Terre, on s’appuie depuis toujours sur des fusĂ©es Ă  propulsion chimique. La technologie n’est pas parfaite, mais elle aura tout de mĂŞme permis l’exploration humaine de la Lune. Cependant, la NASA, la Chine ou encore SpaceX ont une autre cible en tĂŞte : Mars. Avec la propulsion chimique, nous devrions alors composer avec un facteur limitant : le temps. Il faudrait en effet environ six Ă  neuf mois (et une quantitĂ© phĂ©nomĂ©nale de propulseurs) pour envoyer des Hommes sur la planète rouge.

Dans ces conditions, Mars marquerait alors probablement une sorte de limite au-delà de laquelle nous ne pourrions pas aller. Pour voyager au-delà, il faut donc aller plus vite avec moins de carburant. Et si la solution nous venait du nucléaire ?

Nucléaire thermique et électrique

L’idĂ©e n’est pas nouvelle. La NASA et le programme spatial soviĂ©tique ont d’ailleurs passĂ© des annĂ©es Ă  plancher sur le sujet, mais aucun projet n’a vraiment abouti.

Il existe deux types de propulsion nuclĂ©aire. Commençons par la propulsion nuclĂ©aire-thermique (NTP) qui implique un moteur-fusĂ©e dans lequel un rĂ©acteur nuclĂ©aire remplace la chambre de combustion. Ce dernier brĂ»le de l’hydrogène liquide comme combustible pour en faire de l’hydrogène gazeux ionisĂ© (plasma). Ce gaz est ensuite canalisĂ© Ă  travers des tuyères pour gĂ©nĂ©rer une poussĂ©e.

La NASA s’est intĂ©ressĂ©e au concept dès la fin des annĂ©es 50 avec son programme Nuclear Engine for Rocket Vehicle Application (NERVA). Il avait abouti au dĂ©veloppement d’un rĂ©acteur nuclĂ©aire Ă  noyau solide testĂ© avec succès. Avec la fin de l’ère Apollo en 1973, le financement du programme avait ensuite Ă©tĂ© considĂ©rablement rĂ©duit. Le projet avait ensuite Ă©tĂ© finalement annulĂ© avant mĂŞme que des essais en vol ne soient effectuĂ©s. Les SoviĂ©tiques avaient Ă©galement dĂ©veloppĂ© leur propre concept  (RD-0410) entre 1965 et 1980, avant d’annuler eux aussi leur programme.

De son cĂ´tĂ©, la propulsion nuclĂ©aire-Ă©lectrique (NEP) repose essentiellement sur un rĂ©acteur nuclĂ©aire fournissant de l’Ă©lectricitĂ© Ă  un propulseur Ă  effet Hall (moteur ionique). Ce dernier gĂ©nère alors un champ Ă©lectromagnĂ©tique qui ionise et accĂ©lère un gaz inerte (comme le xĂ©non). Les concepts NEP se distinguent en Ă©tant capables de fournir plus de 10 000 secondes d’Impulsions spĂ©cifique (I sp) , ce qui signifie qu’ils peuvent maintenir la poussĂ©e pendant près de trois heures. Cependant, le niveau de poussĂ©e reste assez faible par rapport aux autres options.

Ces deux concepts ont leurs avantages et leurs inconvĂ©nients. C’est pourquoi les chercheurs privilĂ©gient des solutions incluant les deux modes de propulsion (bimodal).

Il y a quelques annĂ©es, avec Mars en ligne de mire, la NASA avait relancĂ© son programme nuclĂ©aire dans le but de dĂ©velopper une propulsion bimodale. Selon l’agence, une telle fusĂ©e pourrait permettre des transits vers la planète rouge en seulement 100 jours. Or, un concept propose de faire encore mieux.

fusée nucléaire bimodale
Concept d’artiste d’une fusĂ©e nuclĂ©aire bimodale. CrĂ©dits : NASA

Mars en 45 jours

Dans le cadre du programme NASA Innovative Advanced Concepts (NIAC) pour 2023, la NASA a sélectionné un concept nucléaire pour le développement de la phase I. Cette nouvelle classe de système de propulsion nucléaire bimodale utilise un « cycle de topping du rotor à ondes » et pourrait réduire les temps de transit vers Mars à seulement 45 jours.

La proposition est signĂ©e du professeur Ryan Gosse de l’UniversitĂ© de Floride. Elle intègre l’un des quatorze concepts sĂ©lectionnĂ©s pour la phase 1 du programme NIAC (NASA Innovative Advanced Concepts) de cette annĂ©e, qui vise Ă  nourrir les idĂ©es visionnaires. Toutes les Ă©quipes bĂ©nĂ©ficieront d’une enveloppe de 12 500 $ pour aider Ă  faire mĂ»rir la technologie et les mĂ©thodes impliquĂ©es.

La proposition de Ryan Gosse est une conception bimodale basĂ©e sur un rĂ©acteur NERVA Ă  noyau solide (mentionnĂ© plus haut). Ce dernier fournirait une impulsion spĂ©cifique (I sp) de 900 secondes, soit le double des performances actuelles des fusĂ©es chimiques. Le cycle proposĂ© comprend Ă©galement un compresseur Ă  ondes de pression – ou Wave Rotor (WR). La technologie, utilisĂ©e dans les moteurs Ă  combustion interne, exploite les ondes de pression produites par les rĂ©actions pour comprimer l’air d’admission.

AssociĂ© Ă  un moteur nuclĂ©aire thermique (NTP), le WR utiliserait la pression crĂ©Ă©e par le chauffage de l’hydrogène liquide par le rĂ©acteur pour comprimer davantage la masse de rĂ©action. Selon le chercheur, cela pourrait permettre de fournir des niveaux de poussĂ©e comparables Ă  ceux d’un concept NTP de classe NERVA, mais avec une intensitĂ© de 1400 Ă  2000 secondes d’Impulsion spĂ©cifique. AssociĂ© Ă  un cycle NEP, les niveaux de poussĂ©e seraient alors encore amĂ©liorĂ©s.

IdĂ©alement, le chercheur promet qu’une telle conception pourrait permettre d’atteindre Mars en seulement 45 jours et potentiellement rĂ©volutionner l’exploration humaine de l’espace lointain. Un tel transit rĂ©duirait non seulement la durĂ©e globale de la mission, mais aussi considĂ©rablement les risques majeurs associĂ©s aux missions vers Mars, notamment l’exposition aux radiations et le temps passĂ© en microgravitĂ©.