Pour ceux qui adorent leurs animaux de compagnie, leur décès est toujours trop prématuré et on donnerait tout pour qu’ils vivent plus longtemps. Et si certains décèdent à cause de la vieillesse et s’éteignent paisiblement, nombre de nos compagnons à quatre pattes développent des maladies avec les années et peuvent, tout comme les humains, souffrir du cancer. Chez un chien de grande taille ou âgé, les risques de développer un cancer sont d’ailleurs démultipliés. Or, si l’arsenal de traitements pour les humains n’a de cesse de grandir au fil des années et de la recherche, les animaux domestiques atteints du cancer ne bénéficient pas d’autant d’options.
Un chien pourra certes bénéficier dans certains cas d’une radiothérapie ou d’une chimiothérapie. Cependant, l’efficacité comme la facilité d’accès à ces traitements et les coûts ne sont pas toujours au rendez-vous. Quant à la chirurgie, elle ne prévient pas les récidives. Une nouvelle étude portant sur un vaccin pourrait toutefois susciter un peu d’espoir d’aider le meilleur ami de l’Homme.
Un vaccin contre le cancer chez le chien
De base, rien ne prédestinait Mark Mamula, chercheur en rhumatologie à l’École de Médecine de Yale spécialisé en maladies auto-immunes telles que le lupus ou le diabète de type 1, à travailler sur un traitement contre le cancer… et encore moins chez le chien. Toutefois, ses recherches ont fini par l’y mener.
En effet, dans le cadre des maladies auto-immunes, le système immunitaire s’attaque au corps lui-même. Par exemple, dans le cas du diabète de type 1, les défenses immunitaires s’en prennent aux cellules du pancréas. « À plusieurs égards, les tumeurs sont comme les cibles des maladies auto-immunes. Les cellules cancéreuses sont vos propres tissus attaqués par votre système immunitaire. La différence est que nous voulons que le système immunitaire attaque une tumeur. » Après des années de travail, le chercheur et son équipe, aidés du vétérinaire oncologue Gerald Post, en sont donc venus à penser qu’il serait possible de développer un traitement qui initierait une réponse ciblée du système immunitaire contre les tumeurs.
Partir des traitements chez l’humain
Pour poursuivre ces recherches, les scientifiques se sont alors basés sur des traitements déjà existants chez l’humain pour en trouver une nouvelle version qui pourrait aussi bien bénéficier aux humains qu’aux chiens, certains cancers pouvant partager certaines similarités entre les deux espèces. Des types de cancers comme le cancer colorectal, le cancer du sein ou l’ostéosarcome (lié à une tumeur osseuse) se manifestent en effet par une surexpression de deux protéines : le récepteur du facteur de croissance épidermique (récepteur de l’EGF ou EGFR) et l’HER2 (Human Epidermal Growth Factor Receptor 2).
En guise de traitement, on utilisera dans ce cas des anticorps monoclonaux, des protéines qui peuvent se lier à l’EGFR et à l’HER2 et les bloquer. Toutefois, les patients peuvent développer une résistance à ces anticorps. Leurs effets bénéfiques peuvent donc décroître au fil du temps.
Une nouvelle approche des anticorps monoclonaux
Les anticorps monoclonaux sont produits depuis une cellule immunitaire et se lient à une partie des molécules EGFR et HER2. Dans le cadre de ces travaux, détaillés sur le site de Yale, les chercheurs ont voulu développer une réponse immunitaire polyclonale afin de créer des anticorps de plusieurs cellules immunitaires au lieu d’une seule qui pourraient se lier ainsi à plusieurs parties des protéines ciblées ici et réduire ainsi les risques de développer une résistance. Après avoir identifié un composé capable de le faire, les chercheurs l’ont testé sur des souris, puis des chiens.

Des résultats prometteurs
Ces huit dernières années, les scientifiques ont eu des résultats positifs pendant leurs essais cliniques et ont pu tester leur vaccin sur plus de trois cents chiens. Ils estiment que leur traitement a doublé le taux de survie de douze mois chez les chiens atteints de certains cancers. Par exemple, les chiens atteints d’ostéosarcome avaient seulement 35 % de chance de vivre une année après le diagnostic en suivant les traitements classiques tels que la chimiothérapie. Avec le vaccin, ces chances s’élevaient à 60 %.
L’étude relate notamment le cas d’Hunter, un golden retriever et chien de sauvetage diagnostiqué avec un ostéosarcome à la patte avant en 2022. Après une amputation (inefficace), une chimiothérapie et surtout après un traitement avec ce nouveau vaccin, il a pu vivre deux ans de plus, joyeux et plein d’énergie. Mark Mamula exulte : « Mon propre chien est mort d’un cancer inopérable il y a environ onze ans. Les chiens comme les humains souffrent beaucoup de leurs cancers. Si on peut apporter des bienfaits, du soulagement, une vie sans douleur, c’est le meilleur résultat que nous pouvions avoir. »
Les perspectives à venir pour ce vaccin
L’équipe espère à présent mener des études plus approfondies pour savoir si le vaccin pourrait être administré à titre préventif pour éviter la survenue d’un cancer ou pour l’arrêter plus tôt et permettre ainsi aux animaux de vivre plus longtemps en bonne santé. Les chercheurs doivent aussi faire approuver leur traitement par l’USDA (le département de l’Agriculture des États-Unis chargé d’approuver les traitements vétérinaires) pour espérer une démocratisation du vaccin. À plus long terme, des études pourraient aussi être menées chez l’homme.
