Est-il possible d’observer les toutes premières étoiles supermassives de l’Univers ?

quasar
Crédits : ESO/M. Kornmesser

La présence de trous noirs supermassifs dans l’Univers primitif suggère un processus de formation différent de celui à l’œuvre aujourd’hui. Ces objets pourraient alors découler d’étoiles supermassives formées très tôt dans l’Univers. Et si tant est qu’elles aient vraiment existé, nous pourrions bientôt être capables de les observer.

Reprenons le processus de formation d’un trou noir dans notre Univers actuel. Une étoile massive brûle au cours de sa courte vie ses réserves d’hydrogène, puis les fusionne en hélium. Une fois tout ce carburant brûlé, des éléments lourds se forment jusqu’au moment où le fer apparaît. La fusion du fer aspirant l’énergie au lieu d’en libérer, l’étoile vieillissante s’effondre alors sur elle-même. En résulte un trou noir, sorte de puits gravitationnel s’enfonçant profondément dans le tissu de l’espace-temps.

Des trous noirs aux quasars

La mécanique céleste amène alors certains trous noirs à fusionner, formant des trous noirs encore plus massifs. Ils sont appelés « supermassifs« . Vous les retrouverez principalement au centre des galaxies. Ces objets restants très goulus, ils continuent de happer toute la matière environnante. Cette dernière, chauffée à des températures extrêmes, se met à briller très intensément. On observe alors ce que les astronomes appellent un « quasar » – ou noyau galactique actif.

quasar trous noirs
Le quasar 3C 273, le plus lumineux jamais observé, apparaît sur cette photographie prise par le télescope spatial Hubble. Avec une magnitude apparente (ou relative) de 12,9, 3C 273 est situé à 2,44 milliards d’années-lumière. Crédits : NASA / ESA

Besoin d’alternatives

C’est là que les problèmes commencent. Des quasars sont observés très loin dans l’Univers. Ces derniers évoluaient donc au moment où ce dernier était très jeune (moins d’un milliard d’années). Or, pour former de tels quasars, il faut normalement plus de temps. Une question se pose alors : comment de tels trous noirs ont-ils pu se former si rapidement ?

Un moyen alternatif de créer des trous noirs aussi massifs serait qu’ils découlent d’étoiles elles-mêmes supermassives, d’environ 100 000 masses solaires. Mais dans les conditions actuelles de notre Univers, de telles étoiles ne peuvent pas se former. C’est trop lourd. La matière se fragmenterait et finalement plusieurs petites étoiles – et non pas une grosse – verraient alors le jour. L’univers primitif en revanche, présentait des conditions bien différentes.

Aujourd’hui ces étoiles supermassives se fragmenteraient pour deux raisons principales. La première est la présence d’éléments lourds dans l’Univers. Les radiations provenant de ces éléments ont alors tendance à refroidir les nuages de gaz dans lesquelles se forment les étoiles. Et un nuage refroidi est un nuage qui se fragmente. Deuxième raison : notre Univers actuel contient beaucoup d’hydrogène moléculaire, qui a également pour effet de fragmenter lui aussi les nuages de gaz. Or, l’Univers primitif était baigné de rayons ultraviolets, qui avaient le pouvoir de dissocier cet hydrogène.

Peut-on observer ces étoiles supermassives ?

Ainsi au départ, les conditions nécessaires à la formation de supermassives étaient possiblement bien présentes. Et celles-ci expliqueraient les présences de quasars aussi éloignés (et donc aussi vieux). Mais si tel est le cas, pourrions-nous alors observer directement ces étoiles ? De récentes simulations suggèrent que oui. Ce pourrait même être le cas dans un avenir proche.

L’astrophysicien Daniel Whalen et son équipe, de l’Université de Portsmouth (Royaune-Uni), se sont en effet récemment aperçus que les températures de surface de ces objets pouvaient être étonnamment fraîches (entre 6 000 et 8 000 kelvins). Elles pourraient alors être visibles dans l’infrarouge. Supermassives, ces étoiles auraient également le potentiel de briller très intensément (plusieurs milliards de fois la luminosité du Soleil). Ainsi, une prochaine génération de télescopes, assez puissante, pourrait donc être capable de remonter assez loin dans le temps pour observer ces monstres cosmiques dans l’infrarouge.

On pense évidemment au James Webb télescope, dont le lancement est prévu en 2021. En regardant au bon endroit, ce futur instrument pourrait alors nous permettre d’assister à la naissance de quelques-unes des toutes premières étoiles supermassives de l’Univers. Et de répondre, bien sûr, à l’un des plus grands mystères de l’astrophysique.

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