Et si la fréquence des rapports intimes avait un lien direct avec la santé de la prostate ? Une étude de l’université Harvard, publiée dans la revue European Urology, s’est penchée sur ce sujet qui mêle sexualité, prévention médicale et bien-être masculin. Sur plusieurs décennies, les chercheurs ont suivi près de 32 000 hommes pour tenter de comprendre si l’activité sexuelle pouvait influencer le risque de développer un cancer de la prostate. Les résultats sont surprenants et soulèvent des questions passionnantes sur la prévention et le rôle encore trop méconnu de la santé intime dans le vieillissement en bonne santé.
Quand la fréquence sexuelle devient une donnée scientifique
L’étude menée par les chercheurs de Harvard repose sur un suivi rigoureux : 31 925 hommes âgés de 20 à 49 ans ont été interrogés à différents moments de leur vie, avec un accent particulier sur la période autour de la quarantaine. Les scientifiques ont voulu savoir si la fréquence d’éjaculation pouvait avoir une influence sur la survenue du cancer de la prostate, l’un des cancers les plus fréquents chez l’homme.
Les données recueillies sont éloquentes. Les participants qui déclaraient éjaculer au moins 21 fois par mois avaient environ 31 % de risque en moins de développer un cancer de la prostate par rapport à ceux qui déclaraient une fréquence inférieure à 7 fois par mois. Ce chiffre, impressionnant de prime abord, ne repose pas sur une simple coïncidence : il a été établi après un examen statistique rigoureux, prenant en compte d’autres facteurs de santé comme le mode de vie ou les antécédents médicaux.
Cette étude ne dit pas qu’il existe une « dose idéale » d’activité sexuelle pour se protéger, mais elle met en lumière un phénomène biologique intrigant : l’éjaculation fréquente pourrait avoir un effet protecteur réel sur la prostate, au même titre que l’alimentation, l’exercice physique ou le dépistage précoce.
Un mécanisme protecteur encore mal compris
Pourquoi l’éjaculation aurait-elle un impact sur la santé de la prostate ? Les chercheurs avancent plusieurs pistes physiologiques pour expliquer ce lien.
D’abord, le rôle d’« auto-nettoyage » de la prostate. Celle-ci produit le liquide séminal, qui peut accumuler des substances potentiellement cancérogènes s’il stagne trop longtemps. Une activité sexuelle régulière contribuerait donc à évacuer ces déchets et à préserver un environnement cellulaire plus sain.
Ensuite, la question de l’inflammation chronique. On sait depuis longtemps que des processus inflammatoires persistants peuvent favoriser l’apparition de cellules anormales, premières étapes vers une éventuelle transformation cancéreuse. Or, une activité sexuelle soutenue semble corrélée à une diminution de certaines substances pro-inflammatoires, réduisant ainsi ce risque.
Enfin, il existe probablement un lien avec la régulation hormonale et immunitaire. Une vie sexuelle active stimule certaines hormones et pourrait renforcer la surveillance immunitaire des cellules anormales. Ces mécanismes combinés pourraient expliquer pourquoi une activité sexuelle plus régulière se traduit, statistiquement, par une diminution du risque de cancer.

La prévention ne se limite pas à la sexualité
Les auteurs de l’étude insistent toutefois sur un point crucial : l’éjaculation fréquente n’est pas une solution miracle. La prévention du cancer de la prostate repose sur un ensemble de facteurs qui vont bien au-delà de la sexualité.
Une alimentation équilibrée, riche en fibres, en antioxydants et en acides gras oméga-3, joue un rôle majeur dans la santé globale, tout comme la pratique régulière d’une activité physique. Le suivi médical reste également indispensable, avec notamment le dosage du PSA (antigène prostatique spécifique) et le toucher rectal à partir de 50 ans, ou plus tôt en cas d’antécédents familiaux.
Les chercheurs rappellent que leur étude démontre une corrélation statistique, pas une causalité absolue. D’autres paramètres, comme le stress, l’exposition à des polluants ou les troubles hormonaux, peuvent aussi influencer la santé de la prostate.
Briser le tabou de la sexualité des seniors
L’un des enseignements indirects de cette étude est la nécessité d’aborder plus ouvertement la sexualité après 60 ans. Les troubles érectiles ou la baisse de libido sont parfois les premiers signes d’un dysfonctionnement hormonal ou prostatique, mais ils restent trop rarement évoqués lors des consultations médicales.
Encourager une vie sexuelle adaptée et épanouissante pourrait avoir plusieurs bénéfices : améliorer le moral, la qualité de vie et peut-être, comme le suggèrent les chercheurs, réduire certains risques de santé. En ce sens, la sexualité ne doit plus être perçue comme un simple indicateur de vitalité, mais comme un véritable facteur de bien-être et de prévention.
L’étude de Harvard ouvre donc une piste sérieuse, mais qui ne doit pas faire oublier l’importance d’une approche globale : activité physique, alimentation, dépistage et santé mentale restent les piliers incontournables d’un vieillissement en bonne santé.
