Des changements majeurs dans la répartition des réserves mondiales d’eau douce sont en cours

Crédits : NASA

En analysant les variations du champ gravitationnel de la Terre au travers d’un couple de satellites de 2002 à 2016, une équipe de chercheurs a mis en évidence des changements majeurs dans la manière dont l’eau douce est stockée à l’échelle du globe.

Le 16 mai dernier, une étude publiée dans la revue Nature a mis en lumière une évolution majeure concernant la distribution spatiale des réserves terrestres en eau douce au cours des 15 dernières années. Sur la période étudiée – qui s’étale de 2002 à 2016 – les données en provenance de satellites montrent que globalement, les régions humides deviennent plus humides et les régions sèches le deviennent encore plus. Ainsi, les zones situées aux hautes latitudes des deux hémisphères et celles près de l’équateur connaissent une hausse des réserves en eau des sols. À l’inverse, les zones situées entre les deux – en particulier les latitudes subtropicales – subissent une diminution de celles-ci.

On retrouve l’eau douce sous différents aspects : les calottes polaires, les rivières et les lacs, les glaciers, les surfaces enneigées, les précipitations, les nappes phréatiques ou les eaux souterraines. La présence de toutes ces composantes fournit au changement du cycle hydrologique une structure très riche, mais aussi plus complexe (voir l’animation plus bas). Pour donner quelques exemples : au Groenland et en Antarctique, ce sont principalement les évolutions du bilan de masse des calottes qui sont responsables des tendances observées. Aux tropiques, l’alternance entre les épisodes El niño et La nina participe activement aux variations de la réserve en eau des sols – via un déplacement des grands systèmes pluvieux. Dans les Alpes, la diminution du volume des glaciers est responsable de la baisse observée en réserve d’eau douce, etc.

Un des objectifs de l’étude était de séparer les différentes causes de ces variations. En effet, la  période étudiée contient aussi bien les effets associés à la variabilité naturelle du climat que ceux associés au changement climatique ou à l’impact direct des activités humaines – telles que le pompage d’eau souterraine pour l’irrigation. Les chercheurs ont donc dû utiliser des données complémentaires, par exemple des séries de mesures satellitaires des précipitations à grande échelle, ou des rapports sur l’exploitation minière et l’irrigation.

Si pour certains cas l’effet du changement climatique est évident – fonte des glaciers et calottes qui participe à la hausse du niveau des mers -, pour d’autres il est nécessaire d’obtenir un jeu de données couvrant une période plus longue afin de filtrer les oscillations naturelles du cycle hydrologique. En outre, dans certaines régions comme le nord de l’Arabie Saoudite ou le nord-ouest de la Chine, l’utilisation de l’eau pour l’agriculture se trouve être la cause principale de la diminution des réserves hydriques. Toutefois, le schéma général qui consiste en une accentuation des contrastes entre régions humides et régions sèches est une structure qui a été simulée par tous les modèles de climat en réponse au réchauffement global. Il est donc cohérent avec ce dernier et pourrait désormais émerger dans le suivi des réservoirs terrestres d’eau douce.

Ces observations à grande échelle confirment et prolongent celles d’études antérieures fondées sur d’autres paramètres comme les relevés de pluviométrie au sol – avec une couverture spatiale bien plus limitée – ou la salinité des océans. Étant donné que l’accès à l’eau douce est crucial pour la survie des populations et celle des écosystèmes locaux, pour les pratiques agricoles et économiques ainsi que pour la stabilité sociopolitique, ces données doivent interpeller. Selon James Famiglietti, un coauteur de l’étude : « Ce dont nous sommes témoins est un changement hydrologique majeur ».

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