Au bord de la mer Rouge, un bâtiment hors norme s’élève peu à peu : la Jeddah Tower. Avec une hauteur prévue de plus de 1 000 mètres, elle sera plus haute que trois tours Eiffel empilées et un immeuble de 40 étages. Ce gratte-ciel ne se contente pas de battre des records : il incarne la volonté de l’Arabie saoudite de moderniser son économie et de s’affirmer sur la scène internationale. Le projet, lancé initialement sous le nom de Kingdom Tower, symbolise une audace technique et architecturale rarement vue dans le monde.
Une conception inspirée par la nature
L’architecte Adrian Smith, déjà responsable du Burj Khalifa, a dessiné la tour en s’inspirant des formes naturelles. La structure adopte une silhouette effilée en Y, évoquant les jeunes pousses d’une plante du désert, qui combine esthétique et fonctionnalité. Chaque “pétale” contribue à stabiliser le bâtiment face aux vents puissants rencontrés à cette altitude.
Après une interruption de plusieurs années, la construction a repris en 2025, et le rythme actuel des travaux laisse espérer un achèvement autour de 2028.
Des défis d’ingénierie inédits
Édifier une tour d’un kilomètre de haut exige des solutions techniques innovantes. La fondation seule représente un exploit : elle repose sur plus de 270 pieux profondément ancrés dans le sol, soutenant un radier de plusieurs milliers de mètres carrés capable de répartir des charges colossales tout en limitant les déplacements du sol à quelques centimètres.
La structure principale est composée d’un noyau central en béton haute performance, entouré de trois ailes qui assurent la stabilité sans nécessiter de renforts complexes. La technologie de pompage vertical du béton a été adaptée pour atteindre des hauteurs jamais tentées auparavant, jusqu’à 800 mètres. Pour la circulation des personnes, 59 ascenseurs, dont certains à double niveau, et des escaliers mécaniques garantissent une mobilité fluide à travers la tour, véritable ville verticale.

Un usage mixte et prestigieux
La Jeddah Tower ne se limite pas à un exploit architectural. Elle accueillera des espaces résidentiels haut de gamme, un hôtel de luxe Four Seasons, des bureaux internationaux et une plateforme d’observation à plus de 600 mètres, offrant une vue panoramique exceptionnelle sur la mer Rouge et la ville.
En combinant ces fonctions, elle s’inscrit dans la stratégie Vision 2030, qui vise à diversifier l’économie saoudienne en favorisant le commerce, le tourisme et les services.
Des innovations durables et des précautions climatiques
Bien que le projet soit colossal, des solutions ont été intégrées pour limiter son impact environnemental. La tour utilise des vitrages performants, des systèmes de récupération et de recyclage de l’eau, et des technologies écoénergétiques pour réduire sa consommation. L’orientation et la forme effilée de la structure aident également à minimiser l’absorption de chaleur, essentielle dans un climat désertique extrême.
Malgré ces efforts, la Jeddah Tower soulève des préoccupations importantes. La construction nécessite des volumes gigantesques de béton et d’acier, générant des émissions de carbone très élevées. Son implantation sur la côte de la mer Rouge, déjà affectée par la pollution et l’urbanisation rapide, accentue les risques environnementaux. Les critiques dénoncent un projet symbolique mais coûteux en termes écologiques, et certains y voient une “construction de vanité” plutôt qu’une nécessité fonctionnelle.
À mesure que les étages s’élèvent, la Jeddah Tower incarne ainsi la tension entre audace et responsabilité. Elle pourrait devenir le gratte-ciel le plus haut du monde, un symbole de prestige et d’innovation, mais elle rappelle aussi que chaque rêve colossal implique des compromis, notamment en matière d’environnement et de durabilité. En 2028, lorsque la tour sera achevée, le monde pourra admirer la prouesse humaine tout en se confrontant aux questions qu’elle soulève sur notre capacité à concilier ambition et respect des limites planétaires.
