ovule sperme
L'un des 200 millions de spermatozoïdes du père tente de pénétrer la membrane de l'ovule pour le féconder. Crédits : Lennart Nilsson

Des chercheurs font une découverte importante sur les spermatozoïdes

Et si les événements marquants de l’enfance d’un père pouvaient avoir des répercussions sur la santé de ses futurs enfants ? C’est la question fascinante que soulève une étude récente publiée dans la revue Molecular Psychiatry. Cette recherche s’intéresse à l’épigénétique, un champ scientifique qui explore comment nos gènes sont activés ou désactivés par des modifications chimiques en réponse à des expériences de vie. Plus précisément, les scientifiques se sont penchés sur les spermatozoïdes des pères ayant subi un stress élevé dans leur enfance, révélant des modifications épigénétiques qui pourraient être transmises à la génération suivante. Voici ce que révèle cette étude et pourquoi ces découvertes sont importantes.

L’épigénétique : une régulation complexe de nos gènes

Contrairement à l’ADN, qui constitue le plan immuable de nos gènes, l’épigénétique désigne l’ensemble des mécanismes qui régulent la façon dont ces gènes sont lus et interprétés par le corps. Ces mécanismes n’altèrent pas le code génétique lui-même, mais ils peuvent activer, désactiver ou moduler l’expression des gènes. En d’autres termes, si l’ADN est une partition musicale, l’épigénétique est le chef d’orchestre qui décide quelles notes jouer, quand et à quelle intensité.

Les scientifiques s’intéressent de plus en plus à la façon dont nos expériences de vie (stress, émotions, habitudes) laissent des traces épigénétiques sur nos cellules, et notamment sur nos cellules reproductrices. Ces modifications pourraient potentiellement être transmises aux générations futures.

Une étude sur les traumatismes paternels

Cette récente a analysé les spermatozoïdes de 58 hommes recrutés dans le cadre de l’étude FinnBrain de l’Université de Turku, en Finlande. Les chercheurs se sont concentrés sur deux mécanismes épigénétiques principaux :

  1. La méthylation de l’ADN : un processus chimique qui ajoute des marqueurs à l’ADN, signalant au corps de modifier ou de stopper l’activation d’un gène.
  2. Les petits ARN non codants : de petites molécules qui interfèrent avec la lecture de l’ARN, une molécule responsable de la transmission des instructions de l’ADN pour construire les protéines.

Pour évaluer les traumatismes d’enfance, les participants ont rempli un questionnaire appelé « échelle de traumatisme et de détresse » (TADS) qui mesure des expériences telles que la négligence émotionnelle ou physique, ainsi que les abus.

Des gènes liés au développement cérébral

Les résultats ont révélé des différences significatives entre les hommes ayant déclaré de forts traumatismes dans leur enfance et ceux qui en avaient subi peu ou aucun. Ces différences étaient visibles dans les profils épigénétiques de leurs spermatozoïdes.

Parmi les gènes affectés par les traumatismes, deux ont particulièrement retenu l’attention des chercheurs : CRTC1 et GBX2. Ces gènes sont connus pour jouer un rôle crucial dans le développement précoce du cerveau. En outre, une petite molécule d’ARN non codante, nommée hsa-mir-34c-5p, était exprimée différemment chez les hommes ayant vécu un stress important. Cette molécule avait été précédemment associée à des changements dans le développement du cerveau des souris.

Ces découvertes sont fascinantes, car elles suggèrent que les expériences traumatisantes pourraient laisser des empreintes durables, non seulement sur l’esprit, mais également sur les cellules reproductrices.

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Des héritages éventuellement transmissibles

L’un des aspects les plus intrigants de cette étude est la possibilité que ces modifications soient transmises à la progéniture. Bien que cela ait été observé dans des modèles animaux, par exemple chez des souris et des vers, la transmission épigénétique entre humains reste une hypothèse. Si ces modifications étaient héritées, elles pourraient influencer le développement émotionnel ou physique des enfants, bien que l’ampleur de ces effets reste à déterminer.

Les chercheurs précisent cependant qu’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives. D’autres facteurs, comme le régime alimentaire, les habitudes de vie ou l’âge des participants, pourraient avoir influencé les résultats. Des études plus larges et approfondies seront donc nécessaires pour confirmer ces observations.

Vers une meilleure compréhension de l’impact parental

Ces résultats ajoutent une nouvelle dimension à notre compréhension de l’hérédité. Ils soulignent l’importance des expériences de vie dans la biologie humaine et ouvrent la voie à des recherches sur la prévention des conséquences intergénérationnelles du stress. Par exemple, si ces mécanismes sont confirmés, des interventions précoces pourraient être envisagées pour aider les individus ayant subi des traumatismes à réduire l’impact potentiel sur leurs enfants.

Cependant, cette étude sur les spermatozoïdes ne doit pas être interprétée comme une fatalité. Comme le souligne le professeur Richard Jenner de l’University College de Londres, les changements épigénétiques observés dans cette étude pourraient avoir un effet positif, négatif ou neutre. À ce stade, tout reste à découvrir. Il serait également bon de répéter cette recherche avec un échantillon plus large. Dans l’étude actuelle, certains facteurs, comme la tranche d’âge et le régime alimentaire des hommes, ont pu brouiller les résultats.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.