Des milliers de campagnes de prévention, des messages alarmants sur les bouteilles, des publicités choc à la télévision : rien n’y fait, ou presque. La consommation excessive d’alcool reste un fléau mondial responsable de près de 7% des décès prématurés selon l’OMS. Pourtant, des chercheurs australiens viennent de découvrir une méthode étonnamment simple qui fonctionne vraiment : dire aux gens que l’alcool cause le cancer, puis leur demander de compter leurs verres. Cette combinaison apparemment banale est la seule, parmi toutes celles testées, à avoir produit une réduction mesurable et durable de la consommation. Une découverte qui pourrait enfin transformer les bonnes intentions en vrais changements de comportement.
L’étude qui a testé ce qui marche vraiment
Pour déterminer quels messages trouvent réellement un écho auprès des consommateurs d’alcool, une équipe du George Institute for Global Health en Australie a mené une expérience d’envergure. Près de 8 000 personnes, représentatives du public australien buveur d’alcool, ont participé à cette étude étalée sur six semaines et divisée en trois phases de questionnaires espacés de trois semaines.
Les participants ont été répartis en plusieurs groupes, chacun exposé à différentes combinaisons de messages et de publicités sur l’alcool. Certains recevaient des informations sur les risques sanitaires, d’autres des conseils pratiques pour réduire leur consommation, et d’autres encore une combinaison des deux. L’objectif était clair : identifier la stratégie la plus efficace pour inciter les gens non seulement à vouloir boire moins, mais surtout à le faire concrètement.
Les résultats, publiés dans la revue Addictive Behaviors, ont révélé un vainqueur incontestable.
Le duo gagnant : cancer et comptage
Une seule approche s’est démarquée de manière significative par rapport au groupe témoin. Il s’agissait d’une publicité télévisée établissant explicitement le lien entre consommation d’alcool et risque de cancer, immédiatement suivie d’une suggestion concrète : compter ses verres.
Cette combinaison n’a pas seulement incité les participants à déclarer qu’ils avaient l’intention de réduire leur consommation. Elle a produit une diminution réelle et mesurable de la quantité d’alcool consommée sur l’ensemble de la période d’observation de six semaines. C’était la seule méthode testée à obtenir ce résultat.
D’autres approches ont montré une certaine efficacité pour motiver les participants. Par exemple, encourager les gens à se fixer un nombre limite de verres et à s’y tenir a suscité des velléités de changement. Mais entre l’intention et l’action, il y a un gouffre que seule la combinaison cancer-comptage a réussi à franchir.
Pourquoi cette méthode fonctionne
Selon Simone Pettigrew, économiste et psychologue de la consommation qui a dirigé cette recherche, le secret réside dans l’association de deux éléments complémentaires : le « pourquoi » et le « comment ».
« Dire aux gens que l’alcool cause le cancer ne constitue qu’une partie de la solution« , explique-t-elle. « Nous devons également leur donner les moyens d’agir pour réduire leur risque. »
Le premier volet du message fournit la motivation. Beaucoup de gens ignorent que l’alcool est classé comme cancérigène. Cette information frappe les esprits parce qu’elle est concrète, personnelle et effrayante. Le cancer n’est pas une abstraction lointaine, c’est une menace que chacun peut comprendre et redouter.
Mais la peur seule ne suffit jamais à changer durablement un comportement. C’est là qu’intervient le second volet : le comptage des verres. Cette action simple donne aux consommateurs un outil pratique et immédiatement applicable. Pas besoin de calculateur complexe, pas de journal alimentaire sophistiqué. Juste compter : un, deux, trois verres. Cette simplicité transforme une intention vague en un geste concret.

Un fléau silencieux aux multiples visages
Si cette étude rapportée dans Addictive Behaviors met l’accent sur le cancer, c’est loin d’être le seul danger associé à l’alcool. La consommation excessive contribue à une cascade de problèmes sanitaires : maladies cardiaques, troubles digestifs, risque accru de démence, et bien sûr la mort prématurée. L’OMS estime que l’alcool est responsable de près de 7% des décès prématurés dans le monde, un chiffre vertigineux qui représente des millions de vies écourtées chaque année.
Face à cette hécatombe, les autorités sanitaires ont exploré diverses stratégies : rendre l’alcool moins accessible, augmenter les prix, multiplier les avertissements. Mais au final, ce sont les choix individuels qui déterminent si les comportements évolueront à long terme. D’où l’importance cruciale de trouver des messages qui fonctionnent vraiment.
Des ressources limitées, des choix stratégiques
« Les ressources disponibles pour les campagnes de réduction des méfaits de l’alcool sont limitées« , rappelle Pettigrew. « Il est donc important de déterminer quels messages trouvent le meilleur écho afin de maximiser leurs chances de succès. »
Cette étude offre précisément ce type d’orientation basée sur des preuves. Plutôt que de disperser les efforts sur des dizaines d’approches différentes dont l’efficacité reste hypothétique, elle identifie une stratégie qui produit des résultats mesurables.
Certes, cette recherche a été menée en Australie, et il faudra vérifier si ses conclusions s’appliquent à d’autres contextes culturels. Mais pour ceux qui cherchent à réduire leur consommation d’alcool, le message est limpide : informez-vous sur le lien entre alcool et cancer, puis commencez simplement à compter vos verres. Cette combinaison pourrait bien être celle qui transforme enfin vos bonnes résolutions en habitudes durables.
