Ces dernières années, la crise climatique a laissé planer le risque d’une pénurie de jus d’orange dans les supermarchés. Ce produit n’est toutefois pas le seul à subir quelques remous actuellement. Les bananes, l’un des fruits les plus populaires et consommés au monde, sont en effet aujourd’hui menacées par un ennemi invisible, mais dévastateur : un champignon qui a déjà éradiqué une variété complète dans les années 1950 et qui ravive aujourd’hui les craintes d’une nouvelle catastrophe agricole. Face à cette crise, la recherche scientifique s’efforce toutefois de trouver des solutions pour sauver la banane et cela pourrait payer.
La banane, menacée par un champignon
Les bananes que nous consommons aujourd’hui ne ressemblent en rien à celles consommées il y a quelques décennies. En effet, celle que nous retrouvons sur les étals des supermarchés est une variété appelée Cavendish. Néanmoins, cette dernière aurait pu ne jamais exister.
Jusqu’aux années 50, c’était en effet une variété appelée Gros Michel qui faisait le bonheur des acheteurs dans les épiceries. Toutefois, la Gros Michel a depuis été totalement anéantie par une maladie cryptogamique appelée flétrissement fusarien de la banane, aussi parfois surnommée la jaunisse de la banane. Plus précisément, cette banane a été affectée par le Fusarium oxysporum race 1, un pathogène fongique qui envahissait le système vasculaire des plants et les tuait en bloquant le transport de l’eau et des minéraux essentiels à leur survie. Il est à noter à ce titre que F. oxysporum peut causer des maladies de flétrissement et de pourriture des racines chez plus de 120 espèces de plantes et certaines souches peuvent même infecter les humains.
La banane Cavendish en réponse…
En remplacement de la Gros Michel, les biologistes ont développé la variété Cavendish qui avait la particularité de résister au Fusarium. Toutefois, le répit pour les amateurs de smoothies healthy n’a été que de courte durée. Au cours des dernières décennies, une résurgence de cette infection fongique causée par une souche différente du même champignon appelée race tropicale 4 (ou TR4) vient à nouveau menacer toute l’industrie bananière.
Publiée dans la revue scientifique Nature Microbiology le 16 août dernier, une étude revient sur cette menace. Suspectée de venir d’Indonésie ou de Malaisie, la TR4 s’est depuis répandue dans d’autres territoires tels que la Colombie (en 2019) et le Pérou (en 2021), les régions les plus exportatrices de bananes Cavendish au monde.
Par ailleurs, cet agent pathogène touche aussi les variétés locales qui comptent parmi les principales sources alimentaires de glucides en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique tropicale. « L’invasion du TR4 constitue ainsi une menace majeure tant pour le commerce mondial de la banane que pour la sécurité alimentaire des populations qui vivent dans ces régions, avec le potentiel d’aggraver la pauvreté dans les pays en développement et de créer des pénuries alimentaires qui intensifieront la faim dans le monde », s’inquiètent ainsi les chercheurs.

Mieux comprendre Fusarium oxysporum pour endiguer le problème
Grâce à des recherches en laboratoire, les chercheurs savent à présent que chaque génome de F. oxysporum peut être divisé en deux parties : un génome de base partagé entre toutes les souches qui code les fonctions essentielles de survie ainsi qu’un génome accessoire qui varie d’une souche à l’autre et qui va quant à lui qui coder des fonctions spécialisées telles que la capacité d’infecter un hôte végétal spécifique. En effet, chaque plante possède un système de défense qui lui est propre et ce génome accessoire permet ainsi au champignon d’augmenter considérablement sa gamme d’hôtes et de passer outre l’immunité des végétaux.
Or, grâce à l’étude nouvellement publiée, on sait à présent que la souche TR4 qui tue les bananes Cavendish a une origine évolutive différente et des séquences différentes dans son génome accessoire par rapport à la souche qui a tué les bananes Gros Michel. Lorsque les gènes accessoires s’activent, ils vont ici libérer une explosion d’oxyde nitrique, un gaz nocif pour la banane Cavendish qui réduit son immunité à néant. L’infection fongique peut ainsi facilement se propager tandis que le champignon se protège lui-même en augmentant la production de substances chimiques qui détoxifient l’oxyde nitrique.

Des pistes pour sauver la banane
Si le tableau est plutôt sombre pour l’heure en ce qui concerne le commerce de la banane, les scientifiques ont déterminé quelques voies possibles pour permettre à la banane de subsister. Selon eux, la résurgence récente de cette infection fongique serait principalement liée à la domination d’un seul clone dans la culture de ce fruit. Une plus grande diversité pourrait ainsi diffuser le problème. Reste aussi l’option de développer une nouvelle variété tolérante ou résistante à ce champignon. Enfin, une dernière piste possible serait tout simplement la conception d’agents de capture d’oxyde nitrique pour réduire la pression toxique qu’il exerce sur les plantations.
Consultez l’étude ici.
