Au bord de l’extinction, ces baleines rétrécissent

baleines noires
Crédits : John Durban/Holly Fearnbach

D’après une étude, les dernières baleines noires de l’Atlantique Nord encore de ce monde sont globalement plus petites que celles des générations précédentes. Selon les experts, cela résulte du stress induit par les activités de pêche dans la région.

Les baleines sont aujourd’hui largement protégées contre les prélèvements directs. Certaines, comme les baleines à bosse, en profitent pour augmenter leurs populations autrefois décimées. Cependant, la plupart des espèces sont encore bien loin de leurs effectifs d’antan. Il s’agit d’un constat que l’on doit en grande partie aux activités humaines (collisions avec les navires et enchevêtrement dans les filets de pêche). L’évolution du climat tend en outre à modifier la dynamique des proies sur les aires d’alimentation saisonnières.

Dans de nombreux cas, ces impacts humains entraînent des morts directes. Cependant, la manière dont nos activités affectent le cycle biologique, la forme physique individuelle et la viabilité des populations de baleines est moins comprise.

Les baleines noires : une espèce au bord du gouffre

Dans le cadre de récents travaux, une équipe de la NOAA (National Oceanic Atmospheric Administration) dirigée par Joshua Stewart s’est intéressée aux baleines noires de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis), une espèce en danger critique d’extinction.

Lentes, pas très agressives et exceptionnellement riches en huile, ces baleines ont fait l’objet de vastes campagnes de braconnage au début des années 1890.

Si ces pratiques sont désormais interdites, d’autres activités humaines, notamment celles citées plus haut, les menacent depuis le début des années 80. Des milliers de tonnes d’engins de pêche, principalement des casiers utilisés pour attraper les crustacés, jonchent en effet les routes migratoires et les aires d’alimentation de ces animaux aux États-Unis et au Canada.

La NOAA estime qu’il en reste aujourd’hui moins de 400 dans la nature, dont une centaine de femelles reproductrices.

Près d’un mètre perdu en quarante ans

Pour leur étude, les chercheurs se sont appuyés sur des mesures de photogrammétrie aérienne recueillies à partir d’aéronefs et de drones télécommandés sur une période de vingt ans pour évaluer l’évolution du rapport âge/taille de 129 baleines précédemment identifiées dont l’âge était connu. Les chercheurs ont alors constaté que la longueur des animaux avait diminué d’environ 7% depuis 1981, ce qui se traduit par une réduction de taille d’environ 90 cm.

Bien qu’une diminution de taille moyenne de 90 cm puisse paraître anodine pour des animaux pouvant atteindre les quinze mètres de long, de nombreux spécimens observés dans l’étude présentaient des cas extrêmes de faible croissance.

« Les baleines noires subissent des poussées de croissance spectaculaires au cours de leurs premières années de vie et approchent de leur taille maximale vers l’âge de dix ans. Voir autant de baleines adultes de la taille de juvéniles était choquant« , note le Dr Stewart.

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Crédits : Flickr / Lauren Packard

Le fait que ces baleines aient commencé à « rétrécir » dès le début des années 80, période à partir de laquelle les effectifs ont commencé à sérieusement décroître, laisse évidemment à penser que nos activités marines sont à l’origine de ce manque de croissance. Or, de tels problèmes physiques peuvent entraîner une réduction du succès de reproduction et une probabilité accrue d’enchevêtrements mortels. 

À moins que des mesures drastiques ne soient prises pour réduire ces facteurs de stress, ces animaux ne pourront pas tenir longtemps selon Rob Schick, chercheur à l’Université Duke qui n’a pas participé à l’étude. « Cette population s’est remise de pire par le passé, donc l’avenir n’est pas complètement sombre« , note le chercheur. « Mais il est clair pour moi que le fardeau cumulatif des facteurs de stress doit être réduit pour assurer leur survie« .