Les bactéries utilisent l’effet lotus pour se protéger

Crédits : William Thielicke — Wikipedia

Un biofilm bactérien est une communauté multicellulaire composée de micro-organismes qui se regroupent entre eux sur une surface. Quelques exemples connus de biofilms bactériens se retrouvent dans la plaque dentaire, véritable foyer à bactéries, mais aussi dans les canalisations d’eau où ils posent de nombreux problèmes. L’élimination de ces groupements bactériens est assez difficile, car la majorité de ceux-ci sont hydrofuges, c’est-à-dire très imperméables. L’équipe de recherche de la Technical University of Munich (TUM) a découvert comment ces biofilms bactériens adaptent leur texture en surface pour devenir hydrophobes, c’est ce que l’on nomme l’effet lotus.

L’équipe « Hydrogel Biologique » menée par Oliver Lieleg, professeur de biomécanique à la Munich School of BioEngineering, étudie les propriétés biologiques et physiques qui rendent les bactéries aussi tenaces face à l’eau. Les surfaces de biofilms ont été mesurées en utilisant des microscopes confocaux (appareils qui capturent des images à très faible profondeur de champ pour ensuite les modéliser en 3D).

Une goutte d’eau sur une feuille de lotus/Crédits C. Falcón Garcia — Technical University of Munich

Après plusieurs analyses, le laboratoire déclare que l’approvisionnement en nutriments détermine la surface des biofilms et influence sur leur caractère hydrophobique. Oliver Lieleg affirme que « tous les biofilms ne sont pas identiques, même s’ils sont produits par la même bactérie. » Par exemple, la bactérie Bacilles subtilis que l’on retrouve habituellement dans le sol peut produire des biofilms aux propriétés différentes en fonction des nutriments dont elle se nourrit : une fois des gouttes d’eau glissent, une autre fois les gouttes se propagent de partout sur la surface et d’autres fois, les gouttes s’accrochent sous forme de perles. On voit bien avec cette expérience qu’un biofilm bactérien n’aura pas les mêmes propriétés et réactions à l’eau qu’un autre biofilm grâce aux nutriments dont il se nourrit.

Avec ces résultats, les chercheurs ont pu démontrer que ces micro-organismes bactériens possèdent les mêmes caractéristiques physiques que certaines espèces végétales, à savoir l’hydrophobie du lotus, des roses… La structure de la surface des biofilms est très similaire à celle des feuilles de lotus et de rose avec notamment son caractère rugueux autant sur l’échelle micrométrique que nanométrique. Ces propriétés donnent aux bactéries une résistance considérable à l’eau comme les feuilles de plantes hydrophobes.

Synthétisation numérique de gouttes d’eau roulant sur la surface rugueuse d’une feuille de lotus à cause des bulles d’air piégées entre les gouttes et la feuille (effet lotus)/Crédits : William Thielicke — Wikipedia

Les biofilms et les feuilles ont cependant quelques différences : sur une feuille de lotus, on peut voir la formation de bulles d’air piégées entre la goutte d’eau et la surface de la feuille alors que sur une feuille de rose, il n’y aura pas de bulle d’air piégée. C’est ce phénomène qui montre que les gouttes d’eau roulent sur les feuilles de lotus, alors que sur les pétales de rose, l’eau adhère aux pétales. Un biofilm va se comporter comme une feuille de lotus ou un pétale de rose en fonction des nutriments disponibles pour les bactéries, car les nutriments déterminent la structure de la surface du microorganisme.

Ces analyses offrent une nouvelle approche pour lutter contre les biofilms bactériens. Les bactéries sont difficiles à éliminer avec des antibiotiques et des produits chimiques à cause de leur résistance en croissance. Les scientifiques suggèrent alors de s’attaquer aux propriétés hydrofuges des bactéries afin de mieux les éliminer. Lieleg déclare qu’« une substance antibactérienne ne peut pas fonctionner si elle est incapable d’atteindre la surface d’un biofilm, car elle va rouler. Nous devons modifier cette texture de surface hydrophobique. Ce serait une nouvelle approche pour l’élimination des biofilms que l’on retrouve dans des tubes, des cathéters, des plaies infectées… »