Voyager
Voyager 2 passant devant Uranus en janvier 1986. Crédits : NFRANGA

Voyager atteindra cette région dans 300 ans (et mettra 30 000 ans à la traverser)

Depuis 1977, la sonde Voyager 1 poursuit son odyssée silencieuse vers les confins de notre système solaire. Mais son véritable défi l’attend encore : dans trois siècles, elle pénétrera dans une région mystérieuse dont l’existence même divise la communauté scientifique. Cette traversée titanesque s’étalera sur 30 millénaires, faisant de Voyager le premier messager humain à explorer l’ultime frontière de l’influence solaire.

Un voyage qui ne fait que commencer

Actuellement située à 167 unités astronomiques de la Terre, soit plus de 25 milliards de kilomètres, Voyager 1 file à travers l’espace interstellaire à 61 000 kilomètres par heure. Cette vitesse vertigineuse masque pourtant la réalité des distances cosmiques : il faut désormais plus de 23 heures aux signaux terrestres pour atteindre la sonde.

Bien que la mission officielle s’achève dans les années 2030 faute de carburant, l’aventure de Voyager ne fait que débuter. Sa trajectoire la mène inexorablement vers le nuage d’Oort, cette énigmatique ceinture d’objets glacés qui marquerait les limites gravitationnelles de notre système solaire.

Le mystère du nuage d’Oort

Théorisé en 1950 par l’astronome néerlandais Jan Oort, ce réservoir cosmique demeure l’une des plus grandes énigmes de notre voisinage stellaire. Aucune observation directe n’a jamais confirmé son existence, pourtant les indices s’accumulent. Les comètes à longue période, ces visiteuses occasionnelles qui n’apparaissent qu’une fois par millénaire, sembleraient provenir de cette région lointaine.

Cette enveloppe sphérique hypothétique s’étendrait entre 2 000 et 100 000 unités astronomiques du Soleil. Pour mettre ces chiffres en perspective, Pluton orbite à seulement 40 unités astronomiques de notre étoile. Le nuage d’Oort représenterait donc un territoire aux dimensions proprement inimaginables, où l’influence gravitationnelle du Soleil s’affaiblit jusqu’à devenir négligeable.

Un périple de trente millénaires

Les calculs de la NASA révèlent l’ampleur stupéfiante du défi qui attend Voyager. Dans approximativement 300 ans, la sonde franchira la frontière intérieure de cette région fantôme. Puis commencera une traversée d’une durée qui défie l’entendement humain : 30 000 années pour parcourir l’intégralité du nuage.

Cette perspective temporelle écrase toute référence historique. Quand Voyager émergera enfin de l’autre côté, l’humanité aura potentiellement vécu l’équivalent de toute son histoire civilisée depuis l’invention de l’agriculture. Les empires actuels ne seront que poussière, les continents auront dérivé, et notre espèce elle-même aura peut-être évolué de manière méconnaissable.

nuage d'oort Voyager
Une illsutration du système solaire avec le nuage d’Oort visible à droite. L’hypothétique Planète 9 est aussi visible. Crédits : Wyntrii

Un messager pour l’éternité

Heureusement, Voyager transporte un cadeau pour les éons futurs : des disques de cuivre plaqué or proposant des échantillons soigneusement sélectionnés de la culture humaine : musiques, images, salutations dans 55 langues, et même les battements d’un cœur humain.

Une étude de 2020 a évalué les chances de survie de ces témoignages cosmiques. Selon les chercheurs, après cinq milliards d’années de voyage interstellaire, Voyager 1 aurait encore 99% de chances de préserver la face interne de ses disques, protégée de l’érosion par la matière interstellaire.

Au-delà de notre système solaire

Dans 40 000 ans, quand Voyager s’approchera de l’étoile AC +79 3888, elle sera devenue plus proche de cet astre lointain que de notre propre Soleil. À ce moment-là, elle aura officiellement quitté l’emprise gravitationnelle de notre système pour devenir un authentique vagabond galactique.

Cette perspective vertigineuse relativise nos échelles temporelles habituelles. Le cinquantième anniversaire de la mission, prévu en 2027, apparaît soudain dérisoire face à l’épopée cosmique qui attend notre ambassadrice silencieuse. Voyager nous rappelle que l’exploration spatiale ne se mesure pas en années, mais en millénaires, voire en éons, défiant nos concepts les plus fondamentaux du temps et de l’espace.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.