L’exoplanète Proxima du Centaure b et l'étoile Alpha du Centaure. Crédits : Ianm35 / iStock

Voyage interstellaire : la propulsion par faisceau, un futur prometteur

Depuis des siècles, l’humanité rêve d’explorer l’infini au-delà de notre Système solaire. Pourtant, les distances astronomiques rendent cet exploit quasiment impossible avec nos technologies actuelles. Alpha du Centaure, l’étoile la plus proche de la Terre, se trouve en effet à plus de quatre années-lumière, une distance colossale qui semble inaccessible. À plus long terme, de nouvelles recherches et technologies novatrices pourraient néanmoins faire de ces voyages interstellaires une réalité. L’une des pistes les plus prometteuses repose sur la propulsion par faisceau.

Pourquoi le voyage interstellaire est-il si difficile ?

Le voyage interstellaire est un défi monumental en raison des distances astronomiques qui séparent les étoiles, distances qui sont presque inimaginables pour l’être humain. Notre système solaire est vaste, mais il ne constitue qu’une infime portion de la galaxie. Par exemple, Alpha du Centaure, le système stellaire le plus proche de la Terre, se trouve à environ 4,37 années-lumière, soit environ 40 000 milliards de kilomètres. À ces échelles, nos technologies actuelles paraissent dérisoires.

Prenons l’exemple de la sonde Voyager 1, lancée par la NASA en 1977, qui est l’objet fabriqué par l’homme le plus éloigné de la Terre. Voyager 1 voyage à une vitesse d’environ dix-sept kilomètres par seconde. Cela peut sembler rapide à l’échelle terrestre, mais il s’agit d’une lenteur abyssale à l’échelle de l’espace. Pour atteindre Alpha du Centaure avec cette vitesse, Voyager 1 mettra près de 70 000 ans. Un tel temps est bien au-delà de la durée de vie humaine et même de celle de notre civilisation telle que nous la connaissons. De plus, bien que la sonde continue d’avancer, elle n’aura probablement jamais les moyens d’envoyer des données exploitables de manière significative vers la Terre.

L’un des aspects les plus frappants de ce calcul est que même à une vitesse aussi impressionnante à l’échelle humaine, Voyager 1 ne voyage qu’à environ 0,00005 % de la vitesse de la lumière. Cela met en exergue l’ampleur du problème. Pour des missions interstellaires efficaces, il serait nécessaire de développer des technologies qui permettraient d’atteindre une fraction plus élevée de cette vitesse, sans quoi les voyages vers d’autres étoiles demeureront hors de portée pendant des milliers d’années.

La propulsion par faisceau

Pour réduire cette durée de voyage et rendre un tel projet viable, il est donc nécessaire d’accélérer un vaisseau à une vitesse beaucoup plus proche de celle de la lumière. C’est là que la propulsion par faisceau entre en jeu. Il s’agit en effet d’une technologie capable de propulser une sonde à des vitesses relativistes. Plusieurs projets actuels tentent de concevoir cette technologie. Breakthrough Starshot est l’un des plus médiatisés. Il repose sur l’idée d’une sonde ultralégère (presque aussi petite qu’une puce électronique) équipée de voiles solaires gigantesques. Ces voiles seraient propulsées par des faisceaux laser puissants envoyés depuis la Terre.

Bien que cette approche promette d’atteindre des vitesses proches de 20 % de celle de la lumière, elle présente de nombreuses limitations. La sonde serait en effet trop petite pour collecter des données scientifiques significatives. En outre, cette approche n’est efficace que sur de courtes distances (environ 0,1 unité astronomique, soit quinze millions de kilomètres). Au-delà de cette distance, le faisceau perd en efficacité, ce qui limite la vitesse de la sonde et la faisabilité du projet.

propulsion par faisceau
Crédits : M. Weiss/CfA

Une nouvelle approche du voyage interstellaire

La Fondation Tau Zero a proposé une méthode novatrice pour le voyage interstellaire en utilisant la propulsion par faisceaux d’électrons relativistes. Contrairement aux lasers classiques, cette approche repose sur des électrons accélérés à des vitesses proches de celle de la lumière. Grâce à un phénomène physique appelé pincement relativiste, ces électrons restent groupés malgré leur charge négative et évitent de se repousser, permettant ainsi au faisceau d’énergie de conserver sa cohérence sur de longues distances. Cela permettrait d’envoyer de l’énergie efficacement sur des trajectoires interstellaires.

Ce concept a conduit au développement du projet Sunbeam, qui envisage d’utiliser ce faisceau pour propulser une sonde de 1 000 kg à une vitesse atteignant 10 % de celle de la lumière. Une telle sonde pourrait ainsi atteindre Alpha du Centaure en seulement quarante ans, offrant ainsi une alternative réaliste pour les voyages interstellaires dans des délais relativement courts. Pour y parvenir, la Fondation Tau Zero propose de créer une station énergétique au voisinage du Soleil, appelée statite solaire, qui capterait l’énergie solaire et la transformerait en faisceaux d’électrons qui propulseraient la sonde sur de vastes distances sans perte significative d’énergie.

Les défis et solutions envisagées

Malgré son potentiel, cette approche soulève plusieurs défis pratiques. Le premier concerne l’énergie nécessaire pour propulser la sonde à des vitesses relativistes. Par exemple, pour accélérer la sonde sur une distance de 100 UA, il faudrait une puissance de dix-neuf gigaélectronvolts. Bien que cette énergie soit énorme, elle est théoriquement réalisable avec les technologies actuelles telles que celles utilisées dans les accélérateurs de particules.

Le second défi majeur réside dans la stabilité du faisceau. À des distances aussi grandes, il est essentiel que le faisceau reste concentré pour éviter une dissipation de l’énergie. Pour résoudre ce problème, la statite solaire serait placée en orbite autour du Soleil pour capter son énergie et la diriger de manière précise vers la sonde. Cette plateforme offrirait la stabilité nécessaire pour maintenir la puissance du faisceau sur de longues périodes.

Enfin, la protection de la sonde contre les conditions extrêmes de l’espace, notamment la chaleur intense et les radiations, représente un autre défi. Des technologies de boucliers solaires et de gestion du faisceau seront ainsi nécessaires pour protéger la sonde tout en maximisant l’efficacité du système de propulsion.

En somme, tout cela relève encore du domaine de la science-fiction. Néanmoins, ces travaux montrent qu’il est possible de lancer une sonde scientifiquement utile jusqu’à Alpha Centauri en l’espace d’une vie humaine avec des avancées minimales par rapport à la technologie existante, du moins en théorie.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.