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Un crâne récupéré sur le site de Sima de los Huesos, connu sous le nom de Cranium 17, proviendrait d'un adulte ayant vécu il y a environ 430 000 ans.Javier Trueba / Madrid Films Scientifiques

Vous souffrez de ces troubles neurologiques ? Vous devriez blâmer cette ancienne espèce humaine

Les maux de tête chroniques, les vertiges, les troubles de l’équilibre ou encore la vision floue affectent des millions de personnes dans le monde. Si ces symptômes sont souvent attribués à des causes environnementales ou neurologiques classiques, une hypothèse récente ouvre une piste inattendue : ils pourraient être liés à l’héritage génétique laissé par nos lointains cousins néandertaliens.

C’est ce que suggère une étude menée par Kimberly Plomp et ses collègues de l’Université des Philippines Diliman. Publiée dans la revue Evolution, Medicine, and Public Health, l’étude s’intéresse à une affection appelée malformation de Chiari de type 1, une anomalie structurelle du crâne qui toucherait environ 1 personne sur 100. Les chercheurs ont découvert que la forme du crâne des individus atteints de cette pathologie ressemble étonnamment à celle des Néandertaliens, ce qui pourrait indiquer une origine évolutive insoupçonnée.

Une anomalie discrète mais impactante

La malformation de Chiari 1 est une condition dans laquelle la partie inférieure du cerveau, le cervelet, s’enfonce anormalement dans le canal rachidien. Cette configuration engendre une compression de la zone, provoquant des troubles variés : maux de tête sévères, vertiges, engourdissements, troubles visuels ou auditifs, voire difficultés motrices. Bien que cette forme soit considérée comme bénigne, ses effets sur la qualité de vie peuvent être importants.

Ce qui intrigue les chercheurs depuis plusieurs années, c’est la structure particulière du crâne chez les personnes atteintes. Pour mieux comprendre l’origine de cette malformation, l’équipe de Kimberly Plomp a analysé des scans médicaux de 46 adultes porteurs de la maladie et les a comparés à ceux de 57 individus non atteints. À partir de ces données, ils ont construit des modèles 3D précis des structures crâniennes.

Résultat : les crânes affectés par la malformation présentent une base plus plate et plus courte, avec un os occipital (l’arrière du crâne) significativement réduit. Cela crée un espace réduit à la jonction entre le crâne et la moelle épinière, une configuration qui favorise justement le glissement du cervelet vers le canal rachidien.

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Repères utilisés dans la présente étude, représentés sur un modèle 3D tomodensitométrique du crâne d’un humain vivant sans CM-I. Crédit : Evolution, Medicine, and Public Health (2025). DOI : 10.1093/emph/eoaf009

À la recherche de nos origines crâniennes

Mais l’étude ne s’est pas arrêtée là. Les chercheurs ont élargi leur analyse en comparant ces crânes modernes avec ceux de différentes espèces humaines anciennes : Homo sapiens, Homo erectus, Homo heidelbergensis… et Homo neanderthalensis.

C’est là que les choses deviennent intéressantes. La forme de la base du crâne des patients atteints de Chiari 1 ressemble fortement à celle des Néandertaliens, alors que celle des témoins s’aligne davantage avec l’anatomie de l’Homo sapiens moderne.

Ce rapprochement alimente ce que les chercheurs appellent l’hypothèse d’introgression archaïque : l’idée que certains traits anatomiques, y compris pathologiques, que l’on observe chez les humains modernes pourraient provenir du croisement génétique avec des espèces humaines aujourd’hui disparues. On sait en effet que les personnes d’ascendance non africaine possèdent environ 1 à 2 % d’ADN néandertalien dans leur génome. Une proportion héritée des rencontres interespèces survenues il y a environ 50 000 ans.

L’ADN néandertalien : vestige ou fardeau ?

Selon les chercheurs, les résultats sont cohérents avec une origine néandertalienne de la malformation de Chiari 1, mais ne confirment pas totalement l’hypothèse. Les similitudes anatomiques sont frappantes, mais la preuve génétique directe reste à établir. En d’autres termes, le lien est plausible, mais encore spéculatif.

La prochaine étape de la recherche consistera donc à analyser le génome de patients atteints de cette malformation pour y rechercher spécifiquement des séquences d’origine néandertalienne. Si de tels gènes sont identifiés, cela pourrait non seulement valider l’hypothèse de l’introgression, mais aussi ouvrir la voie à des diagnostics plus précoces et à de nouvelles stratégies de traitement.

Un rappel sur l’héritage de l’évolution

Au-delà de l’aspect médical, cette étude soulève une question fascinante : dans quelle mesure sommes-nous encore influencés par notre passé évolutif ? L’idée que des traits issus de l’évolution humaine ancienne puissent encore affecter notre biologie contemporaine nous rappelle que l’héritage génétique n’est pas toujours bénéfique.

Des adaptations utiles il y a des milliers d’années – comme un crâne adapté à un mode de vie robuste et physique – peuvent se transformer en handicaps dans un environnement moderne, où nos cerveaux plus volumineux et notre station debout permanente exigent une architecture crânienne différente.

En définitive, ce que nous dit cette étude, c’est que nos douleurs d’aujourd’hui pourraient être les échos lointains d’un passé archaïque. Un passé inscrit dans nos gènes, silencieux mais tenace. Et si une partie de notre mal de crâne venait, littéralement, de l’âge de pierre ?

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.