Depuis l’enfance, on nous enseigne que les humains possèdent cinq sens : la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat et le toucher. Cette idée, aussi répandue que fausse, remonte à l’Antiquité, et plus précisément à Aristote, philosophe grec du IVe siècle avant notre ère. Mais la science moderne a depuis balayé cette vision simpliste. En réalité, nous disposons d’une multitude de sens, bien au-delà des cinq traditionnels — certains chercheurs parlent même d’une vingtaine.
Non, il ne s’agit pas de pouvoirs surnaturels ou de concepts ésotériques. Ce sont des capacités bien réelles, mesurables, et cruciales pour notre survie et notre perception du monde.
La légende des 5 sens
Dans son traité De l’âme, Aristote décrit les cinq sens classiques comme les fenêtres de l’esprit sur le monde extérieur. Cette idée s’est solidement enracinée dans la culture occidentale, au point qu’elle est aujourd’hui enseignée comme un fait acquis. Pourtant, cette liste est incomplète, voire trompeuse.
Elle ne prend pas en compte des perceptions fondamentales que nous utilisons tous les jours, sans même y penser.
Vos sens internes : le monde que vous ressentez… de l’intérieur
L’un des grands oublis du modèle aristotélicien est notre capacité à ressentir ce qui se passe à l’intérieur de notre propre corps. C’est ce qu’on appelle l’intéroception.
Elle regroupe des sensations telles que :
la faim,
la soif,
la sensation d’avoir le cœur qui bat plus fort,
le besoin d’aller aux toilettes,
ou encore la perception de notre respiration.
Toutes ces informations sont constamment transmises au cerveau, en particulier à une région appelée l’insula, qui les interprète. Souvent, ces signaux ne franchissent même pas le seuil de notre conscience, mais ils participent activement à l’équilibre interne du corps (l’homéostasie).

Vos autres super-pouvoirs sensoriels
En plus de l’intéroception, nous possédons toute une gamme de sens méconnus mais essentiels :
La proprioception : c’est votre capacité à savoir où se trouvent vos bras ou vos jambes, même les yeux fermés.
L’équilibrioception : gérée par l’oreille interne, elle vous permet de garder l’équilibre et de vous orienter dans l’espace.
La thermoception : votre perception du chaud et du froid.
La nociception : votre sens de la douleur.
La chronoception : votre capacité à percevoir le temps qui passe.
Ces sens ne sont pas anecdotiques. Sans la proprioception, par exemple, marcher ou attraper un objet serait presque impossible.
Combien en avons-nous vraiment ?
Il n’existe pas de consensus absolu, car tout dépend de ce que l’on appelle « un sens ». Certains neuroscientifiques s’accordent sur 12 à 14 sens clairement identifiables, mais d’autres vont jusqu’à en recenser 20, voire plus.
Le fait est que nos capacités perceptives dépassent largement ce que notre culture nous a enseigné. Et ce n’est pas tout.
Et chez les autres animaux ? Des sens que nous n’avons même pas
Le règne animal est rempli d’exemples fascinants de sens extraordinaires que nous ne possédons pas du tout (ou alors sous une forme très atténuée) :
La magnétoréception : chez les oiseaux migrateurs ou les tortues marines, ce sens permet de s’orienter grâce au champ magnétique terrestre.
L’électroréception : les requins et les raies peuvent détecter les signaux électriques émis par les muscles de leurs proies.
La perception infrarouge : certaines espèces de serpents détectent les variations de chaleur de leurs proies.
La détection de lumière polarisée : utilisée par les abeilles et certaines seiches pour s’orienter ou communiquer.
Même chez les humains, des traces résiduelles de certains de ces sens existent, bien que très affaiblies. Par exemple, nous pourrions être légèrement sensibles au champ magnétique terrestre, mais de manière inconsciente.
Une révolution des sens
Pourquoi alors continue-t-on à parler des cinq sens ? Peut-être parce que c’est plus simple, plus pédagogique. Mais la réalité scientifique est bien plus riche, et surtout bien plus fascinante.
En comprenant mieux tous nos sens, nous comprenons mieux comment notre cerveau fonctionne, comment notre corps maintient son équilibre, et comment nous interagissons avec notre environnement.
Ce n’est donc pas une simple question de terminologie : c’est une invitation à redécouvrir le corps humain sous un nouveau jour — comme une incroyable machine sensorielle, bien plus sophistiquée qu’on ne l’imaginait.