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Crédits : Supersport/istock

Vous n’auriez pas aimé mourir comme ce gladiateur

Et si les arènes de l’Empire romain avaient été bien plus sanglantes — et bien plus étendues — qu’on ne l’imaginait ? Une récente découverte archéologique à York, dans le nord de l’Angleterre, révèle que même les provinces éloignées comme la Bretagne romaine étaient le théâtre de spectacles sauvages impliquant des fauves. Un squelette exhumé dans un ancien cimetière militaire suggère en effet qu’un gladiateur y a été blessé — peut-être tué — par un lion. Un vestige rare et glaçant qui éclaire d’un jour nouveau la brutalité des jeux romains.

Un Empire de sang et de sable

L’Empire romain, à son apogée, s’étendait de l’Égypte jusqu’à l’Angleterre. Si sa grandeur militaire et architecturale fascine encore, une part plus sombre de sa culture continue d’interpeller : celle des combats de gladiateurs. Dans les amphithéâtres, on ne se contentait pas de duels à l’épée. Les Romains étaient friands de venationes, des mises en scène de chasse où des hommes affrontaient des bêtes sauvages : lions, tigres, léopards, ours… Parfois même des éléphants.

Ces scènes spectaculaires et sanglantes, que l’on croyait autrefois réservées aux grandes cités comme Rome ou Carthage, se sont finalement révélées beaucoup plus répandues.

York, ou la trace inattendue d’un carnage

C’est dans l’antique Eboracum, aujourd’hui York, que des archéologues ont récemment mis au jour un squelette vieux de près de 1800 ans, identifié comme « 6DT19 ». Ce qu’il révèle est exceptionnel. L’homme — jeune ou d’âge moyen — présente des marques osseuses laissant penser qu’il a été mordu à plusieurs reprises par un grand félin, vraisemblablement un lion. Et ce n’est pas tout : son crâne, séparé du reste du corps, avait été reposé sur ses épaules, un détail inhabituel pour l’époque.

Ces blessures, analysées par une équipe menée par l’archéologue Tim Thompson, sont compatibles avec les mâchoires puissantes d’un lion en pleine attaque. Les morsures se situent sur le bassin, un point d’ancrage typique pour un fauve cherchant à immobiliser sa proie. Grâce à des scanners 3D, les chercheurs ont pu déterminer que le gladiateur avait sans doute été traîné au sol par l’animal peu avant ou juste après sa mort.

Une scène de spectacle… ou une exécution publique ?

L’étude, publiée dans la revue PLOS ONE, ne permet cependant pas de trancher définitivement : le gladiateur a-t-il été tué dans le cadre d’un combat public, ou s’agissait-il d’une exécution orchestrée pour le divertissement ? Les deux options sont plausibles, car à l’époque, les criminels et esclaves pouvaient être livrés aux bêtes dans une mise à mort aussi symbolique que spectaculaire.

Mais quoi qu’il en soit, la découverte démontre une chose capitale : des lions ont bien été transportés jusqu’en Grande-Bretagne à l’époque romaine. L’idée que ces animaux étaient exclusivement utilisés dans les arènes de Rome est donc à revoir. Le commerce et le transport d’animaux exotiques à travers l’Empire étaient visiblement plus développés qu’on ne le pensait.

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Dans une expérience moderne, des chercheurs ont donné un os à un gros chat dans un zoo anglais afin de pouvoir examiner ses marques de morsure de charognard. Crédit image : Thompson et al., 2025, PLOS One, CC-BY 4.0

Des fosses communes riches en indices

Le squelette a été retrouvé sur le site de Driffield Terrace, une ancienne nécropole située à la périphérie de York. Cette zone, utilisée entre le Ier et le IVe siècle, a déjà livré plusieurs corps d’hommes jeunes portant des traces de blessures violentes, probablement des gladiateurs ayant survécu à un ou plusieurs combats avant de succomber.

Ce nouveau cas, cependant, est le premier à fournir une preuve claire de l’implication d’un animal sauvage dans la mort d’un combattant. C’est une avancée majeure dans notre compréhension de ces spectacles et de leur étendue géographique.

Réécrire l’histoire de la Rome provinciale

Cette découverte remet en question une vision un peu simpliste de la vie dans les provinces romaines. Non, la brutalité des jeux n’était pas confinée à Rome ou aux grandes métropoles. Même aux confins de l’Empire, les populations assistaient à des spectacles d’une cruauté inouïe, dans lesquels des hommes — souvent des esclaves — luttaient pour leur vie face à des bêtes féroces importées de contrées lointaines.

« En adoptant une approche multidisciplinaire pour l’analyse des derniers instants de cet individu, nous avons pu souligner l’importance des preuves ostéologiques pour comprendre la vie et la mort dans le monde romain », conclut Thompson dans son étude.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.