Crédits : Maria Usanina/istock

Vous avez peut-être déjà mangé des guêpes sans même le savoir (mais ne paniquez pas)

Si vous aimez les figues, vous avez peut-être entendu la légende selon laquelle chaque fruit contiendrait une guêpe morte, nécessaire à sa pollinisation. Mais derrière cette idée inquiétante se cache une réalité fascinante, où coévolution, reproduction des plantes et mutualisme jouent un rôle clé. Comprendre le lien entre figues et guêpes permet de démêler mythe et science, tout en montrant pourquoi vos figues restent parfaitement sûres à consommer.

Un mythe ancien et une réalité scientifique

Le mythe selon lequel toutes les figues contiendraient des guêpes mortes repose sur un phénomène réel pour certaines espèces. Les guêpes du figuier, de la famille des Agaonidae, sont de minuscules insectes spécialisés qui pénètrent dans les figues pour polliniser les fleurs ou y déposer leurs œufs. Ces guêpes sont inoffensives pour l’homme, ne piquent pas et mesurent souvent moins d’un centimètre.

Cette relation est un exemple classique de mutualisme : le figuier obtient sa pollinisation, et la guêpe a un lieu pour se reproduire. Chaque espèce de figuier est généralement associée à une espèce spécifique de guêpe, illustrant des millions d’années de coévolution. Cependant, cette interaction ne concerne pas toutes les figues que nous consommons. Les cultivars comme les figues Mission ou Brown Turkey sont parthénocarpiques, ce qui signifie qu’ils peuvent produire des fruits mûrs sans pollinisation par les guêpes, et donc sont généralement exempts d’insectes.

Le rôle des guêpes dans le cycle des figuiers

Pour les figuiers qui nécessitent la pollinisation, le processus est fascinant. Les femelles pénètrent dans le sycone, une structure interne du fruit contenant des fleurs minuscules. Elles répandent le pollen et, parfois, perdent leurs ailes ou meurent à l’intérieur, permettant la reproduction du figuier. Chez les figuiers mâles, appelés caprifiguiers, les femelles peuvent pondre leurs œufs, les larves se développent, et les mâles creusent des tunnels pour que les femelles puissent sortir. Ces dernières emportent le pollen vers d’autres figuiers, complétant le cycle.

Ce système démontre une coévolution très spécialisée : chaque figuier dépend d’une espèce de guêpe pour sa reproduction, et chaque guêpe dépend de son figuier pour pondre ses œufs. Ce mutualisme complexe est un des exemples les plus diversifiés et conséquents de pollinisation spécialisée dans la nature.

guêpes figues
Une guêpe femelle pénètre dans une figue. Les guêpes de la figue ne peuvent pas piquer les humains et sont beaucoup plus petites que celles qui le font. Crédit image : Danita Delimont

Ce que cela signifie pour les figues que nous mangeons

Pour le consommateur moderne, il n’y a aucune inquiétude à avoir. La plupart des figues du commerce sont issues de cultivars parthénocarpiques, qui n’ont pas besoin de guêpes pour mûrir. Même lorsque des guêpes ont été impliquées, leur corps se décompose complètement dans le fruit et devient indétectable. La texture croquante que l’on ressent dans une figue provient uniquement des graines, et non des restes d’insectes.

En ajoutant le détail scientifique sur les guêpes du figuier, le tableau est complet : ce ne sont pas des guêpes “classiques” ou piquantes, mais des insectes minuscules et inoffensifs, spécialisés dans la pollinisation. Le lien entre figues et guêpes reste crucial pour les figuiers sauvages et certaines espèces cultivées qui dépendent encore de la pollinisation pour produire des graines viables.


En somme, la croyance selon laquelle toutes les figues contiennent des guêpes mortes est exagérée, mais elle repose sur un phénomène réel et fascinant de la nature. Les guêpes sont essentielles à la reproduction de certaines figues, mais la plupart des figues que nous mangeons sont produites sans elles. Comprendre ce mécanisme permet de mieux apprécier le lien complexe entre plantes et pollinisateurs, et de mesurer l’ingéniosité de la nature dans ses solutions de reproduction et de survie.

En fin de compte, chaque figue est à la fois un fruit délicieux et un témoignage de la coévolution entre espèces, un exemple concret de la manière dont la vie s’organise dans des interactions mutuellement bénéfiques depuis des millions d’années.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.