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Votre prénom détermine l’issue de votre entretien d’embauche (mais pas pour les raisons que vous croyez)

Imaginez découvrir que votre avenir professionnel se joue avant même que vous n’ouvriez la bouche lors d’un entretien d’embauche. Une équipe de chercheurs canadiens vient en effet de mettre au jour un mécanisme psychologique troublant qui influence silencieusement les recruteurs : la simple sonorité de votre prénom peut déterminer si vous obtiendrez ou non le poste de vos rêves. Cette découverte bouleverse notre compréhension des discriminations à l’embauche et révèle l’existence d’un biais aussi subtil qu’implacable.

Quand la phonétique devient discriminante

L’Université Carleton au Canada a orchestré une série d’expériences révélatrices pour percer les mystères des décisions de recrutement. Les scientifiques ont placé des recruteurs fictifs face à un dilemme apparemment simple : choisir le meilleur candidat pour différents postes en ne disposant que de prénoms comme seule information.

Le protocole expérimental, d’une simplicité redoutable, consistait à confronter les participants à des paires de candidats aux prénoms soigneusement sélectionnés. D’un côté, des prénoms aux consonances fluides et mélodieuses comme Renee, Liam ou Noelle. De l’autre, des appellations aux sonorités plus tranchantes telles que Greta, Tate ou Krista.

Le pouvoir invisible des sons

Les résultats de cette investigation dévoilent un pattern comportemental saisissant. Les candidats dotés de prénoms aux consonnes douces se voient systématiquement attribuer des qualités particulières par les recruteurs. Honnêteté, sensibilité émotionnelle, bienveillance et ouverture d’esprit leur sont spontanément associées, les propulsant vers certains types de postes.

À l’inverse, les prénoms aux sonorités plus abruptes évoquent immédiatement l’extraversion dans l’esprit des évaluateurs. Cette association automatique oriente les décisions d’embauche vers des rôles perçus comme nécessitant davantage d’assertivité et de présence sociale.

Cette dichotomie révèle l’existence d’un mécanisme mental profondément ancré qui échappe totalement à la conscience des recruteurs.

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Les racines ancestrales du symbolisme sonore

Ce phénomène trouve ses origines dans une caractéristique universelle de l’esprit humain appelée symbolisme sonore. Cette faculté psychologique pousse notre cerveau à établir des correspondances spontanées entre certaines sonorités et des formes ou des concepts abstraits.

L’illustration la plus célèbre de ce processus reste l’effet « bouba/kiki », une expérience fascinante qui transcende les barrières culturelles et linguistiques. Confrontées à ces deux mots inventés, des personnes issues d’horizons variés associent invariablement « bouba » à des formes arrondies et douces, tandis que « kiki » évoque des contours angulaires et pointus.

Cette association primitive s’étend naturellement aux prénoms réels, créant des préjugés inconscients qui influencent notre perception des individus avant même de les rencontrer.

La résistance du biais aux informations objectives

L’aspect le plus troublant de cette découverte réside dans la persistance du phénomène face aux données concrètes. Même lorsque les recruteurs disposent d’éléments objectifs supplémentaires – photographies des candidats, extraits d’entretiens vidéo, curriculum vitae détaillé – l’influence de la sonorité du prénom continue d’opérer.

Certes, cette influence s’atténue en présence d’informations complémentaires, mais elle ne disparaît jamais complètement. Le cerveau humain semble incapable de s’affranchir totalement de ces associations phonétiques primitives.

Un nouveau défi pour l’égalité professionnelle

Cette recherche enrichit considérablement notre compréhension des mécanismes discriminatoires qui parasitent les processus de sélection professionnelle. Aux biais déjà identifiés liés à l’origine ethnique, au genre, à l’âge ou au milieu social, s’ajoute désormais cette dimension phonétique insoupçonnée.

La subtilité de ce nouveau type de discrimination la rend particulièrement pernicieuse. Contrairement aux préjugés plus évidents, ce biais échappe totalement à la vigilance des recruteurs qui peuvent, en toute bonne foi, croire prendre des décisions parfaitement objectives.

Cette découverte interpelle directement les entreprises soucieuses d’équité dans leurs pratiques de recrutement et soulève des questions fondamentales sur la neutralité supposée des processus de sélection professionnelle.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.