La comparaison entre le cerveau humain et un ordinateur est devenue un poncif. Mais si cette analogie était non seulement exacte… mais encore sous-estimée ? C’est ce que suggère une hypothèse audacieuse récemment publiée par le physicien théoricien Philip Kurian. Selon ses travaux, le vivant – et en particulier le cerveau humain – pourrait exploiter des phénomènes quantiques, repoussant ainsi toutes les limites que l’on pensait infranchissables en matière de traitement de l’information biologique.
Une puissance de calcul largement sous-estimée
Jusqu’à aujourd’hui, les estimations des capacités computationnelles du cerveau se basaient essentiellement sur le fonctionnement des neurones et des synapses. On évaluait ainsi le cerveau humain à environ 10¹⁶ opérations par seconde – une puissance déjà impressionnante, comparable à certains superordinateurs.
Mais Kurian avance que cette estimation passe complètement à côté d’un pan caché de la biologie : les phénomènes quantiques invisibles à l’œil nu, qui pourraient jouer un rôle central dans le traitement de l’information cellulaire. Si ses hypothèses sont exactes, cela multiplierait par des milliards les performances calculatoires du cerveau.
Un monde quantique… dans la soupe chaude du vivant
Le hic, c’est que la physique quantique est notoirement fragile. Les ordinateurs quantiques que nous construisons aujourd’hui doivent être refroidis à des températures proches du zéro absolu pour éviter toute perturbation de leurs qubits. A priori, l’environnement chaud, humide et chaotique d’un organisme vivant semble donc incompatible avec des phénomènes quantiques stables.
Pourtant, Kurian et d’autres chercheurs avancent depuis quelques années qu’il existe des structures biologiques capables de maintenir des états quantiques, même à température ambiante. Parmi elles : les microtubules (des composants du cytosquelette cellulaire), les neurones et certains réseaux protéiques complexes, dont le tryptophane, un acide aminé qui jouerait ici un rôle de “fibre optique quantique”.
Selon cette idée, le tryptophane pourrait transmettre des signaux lumineux ultra-rapides, en quelques picosecondes, permettant un traitement de l’information bien plus rapide que celui que l’on connaissait jusqu’ici dans les cellules vivantes.
Des neurones… mais pas que
L’un des aspects les plus intrigants de cette hypothèse est qu’elle ne concerne pas uniquement les organismes dotés d’un cerveau. Si le tryptophane ou d’autres structures similaires permettent un traitement quantique de l’information, des cellules sans neurones pourraient elles aussi utiliser ces phénomènes, élargissant drastiquement notre conception de ce que peut être l’intelligence ou la cognition dans le monde vivant.
En d’autres termes : certaines formes de vie que nous jugeons “simples” pourraient, en réalité, manipuler des informations à une échelle et à une vitesse que nous ne comprenons pas encore.

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Crédits : vchal/istockDes implications vertigineuses
Cette nouvelle vision du vivant ne se limite pas au cerveau. Elle interpelle aussi les domaines de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique. Si les cellules vivantes exploitent déjà des procédés quantiques de manière stable et efficace, cela signifie que la nature aurait réussi ce que les ingénieurs humains peinent encore à accomplir dans des laboratoires sur-refroidis.
Elle ouvre aussi des pistes vertigineuses sur l’origine de la conscience, un sujet encore largement mystérieux. Certains scientifiques, minoritaires mais tenaces, estiment que la conscience pourrait émerger non pas de la complexité neuronale seule, mais de mécanismes quantiques profonds intégrés dans la matière vivante elle-même.
Prudence, mais curiosité
Bien sûr, cette hypothèse reste hautement spéculative. De nombreuses théories liant biologie et physique quantique se sont effondrées sous le poids des preuves expérimentales, ou de leur absence. Kurian lui-même reconnaît que ses travaux devront être rigoureusement testés et reproduits avant d’être admis dans le corpus scientifique.
Mais une chose est sûre : ce que nous considérions comme les limites de la biologie pourraient bien être revues à la hausse. Et si l’on admet que la vie, dans ses formes les plus humides et chaotiques, est capable de calculs quantiques… alors peut-être n’avons-nous encore rien vu.