Pourquoi le volcan Lusi vomit-il de la boue depuis 11 ans ?

Crédits : American Geophysical Union

L’éruption de Lusi n’a cessé de répandre de la boue à travers l’île indonésienne de Java depuis mai 2006. Une équipe de chercheurs pense avoir finalement découvert la cause de ces coulées continues : un tunnel de magma pourrait maintenir le site actif depuis 11 ans. Les détails de cette étude ont été publiés dans le Journal of Geophysical Research : Solid Earth.

Atirejo est une ancienne cité ouvrière du nord-est de l’île de Java en Indonésie que l’éruption du volcan Lusi a ensevelie sous 8 mètres de boue. Actif depuis le 29 mai 2006, le volcan ravage depuis à petit feu la région. Chaque jour, il crache des tonnes de boue, d’eau et de gaz toxiques, au point qu’un lac visqueux s’est formé sur plus d’un millier d’hectares. La plupart des victimes rendent la compagnie pétrolière indonésienne Lapindo-Brantas pour responsable. Deux jours avant l’éruption, elle menait en effet sur les lieux un forage exploratoire de gaz. La perforation d’un gisement d’eau sous pression, à 3 kilomètres de profondeur, aurait fracturé les roches. Mais la société s’en défend, préférant pointer du doigt un tremblement de terre, survenu le 27 mai 2006 à Yogyakarta, au centre de Java, qui aurait pu réactiver la faille sur laquelle est installée la ville. Mais tous les scientifiques ne partagent pas cette thèse. L’épicentre du séisme était en effet trop éloigné et sa magnitude trop faible (6,2) pour avoir un tel impact. Alors que cherche-t-on ici ? Une équipe de chercheurs pensent avoir découvert pourquoi ce volcan nous crache de la boue depuis 11 ans.

Une récente cartographie des sous-sols suggère en effet que le volcan soit en fait relié à des chambres magmatiques elles-mêmes reliées à un système volcanique proche (le complexe volcanique d’Arjuno-Welirang), cuisant les sédiments sous le site d’éruption et continuant à projeter de la boue, de l’eau et des roches. « Nous apportons ici la preuve que les deux systèmes sont connectés en profondeur », explique l’un des chercheurs, Adriano Mazzini, de l’Université d’Oslo en Norvège. « Ce que notre nouvelle étude montre, c’est que tout le système existait déjà il y a des millions d’années, et que tout était chargé, prêt à être déclenché ».

Utilisant des sismomètres pour définir une carte 3D du sous-sol de Java, l’équipe a en effet découvert la présence d’un tunnel et d’une série de sources jusqu’à 6 kilomètres sous terre, reliant une chambre magmatique d’Arjuno-Welirang au bassin sédimentaire situé directement sous Lusi. Le magma brûlant et d’autres fluides hydrothermaux sont alors soumis à des hautes pressions, déclenchant des réactions explosives. « Il suffit simplement de réactiver ou d’ouvrir ces failles, explique le chercheur. Tout ce qui se trouvera en dessous ne demande alors qu’à s’échapper ». Et quelle éruption ! À son apogée en septembre 2006, Lusi produisait assez de boue pour remplir 72 piscines olympiques chaque jour — jusqu’à 180 000 mètres cubes.

Une grande partie de cette boue s’est maintenant durcie, mais l’éruption aura couvert une superficie deux fois plus grande que Central Park. Près de 60 000 Indonésiens ont été obligés de fuir leur maison pour échapper à des marées de 40 mètres. Aujourd’hui encore, le site continue de cracher suffisamment de boue et d’autres matériaux pour remplir chaque jour 32 piscines olympiques, soit près de la moitié de sa production maximale. À Java, le volcan Lusi pourrait rejeter sa boue pendant encore cent ans.

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