Les voiles magnétiques pourraient-elles ralentir un vaisseau spatial ?

Crédits : M. Weiss/CfA

Le nombre d’exoplanètes confirmées est aujourd’hui tel que la question suivante se pose naturellement : comment s’y rendre ? Plusieurs projets sont d’ores et déjà pensés. Mais si le fait d’envoyer un engin sur place est déjà un énorme défi en soi, le plus compliqué reste encore le freinage. Car, lorsque vous évoluez à 20 % de la vitesse de la lumière, difficile de ralentir suffisamment pour avoir le temps d’étudier le, ou les, objet(s) désiré(s).

Pour le professeur Claudius Gros, de l’Institut de physique théorique de l’Université Goethe de Francfort, à l’origine du Projet Genesis — qui implique une flotte de robots autonomes relâchant des microbes sur des exoplanètes adaptées, dans l’espoir qu’ils y survivent et y prospèrent — des voiles spéciales s’appuyant sur des supraconducteurs pour générer des champs magnétiques pourraient être utilisées pour « freiner » les nanosondes envoyées sur place. Ce genre de voile présenterait en effet de nombreux avantages par rapport aux autres méthodes disponibles, comme l’explique le professeur Gros à Universe Today :

« Classiquement, vous équipez un vaisseau spatial avec des moteurs de fusée. Les moteurs-fusées normaux, comme nous les utilisons pour lancer des satellites, ne peuvent aller au-delà de 5 à 15 km/s. Cette puissance n’est pas suffisante pour ralentir un engin volant à 1 000 ou 100 000 km/s. Les disques de fusion ou d’antimatière aideraient un peu, mais pas substantiellement ».

La voile magnétique ici pensée se présenterait en une boucle supraconductrice massive d’environ 50 kilomètres de diamètre, qui créerait un champ magnétique une fois qu’un courant sans perte serait induit. Une fois activé, l’hydrogène ionisé dans le milieu interstellaire serait réfléchi sur le champ magnétique de la voile. Cela aurait pour effet de transférer le momentum de l’engin spatial au gaz interstellaire, le ralentissant progressivement. Selon les calculs du chercheur, cela fonctionnerait pour des voiles à déplacement lent malgré la densité extrêmement faible des particules de l’espace interstellaire, qui est de 0,005 à 0,1 particule par centimètre cube. Ici, la friction de la voile au contact du gaz interstellaire permettrait donc de ralentir la, ou les, nanosonde(s).

L’avantage d’une telle voile, c’est qu’elle est aujourd’hui « technologiquement » réalisable. L’inconvénient, c’est le temps que prendrait une telle mission. D’après les propres calculs du chercheur, un transit à haute vitesse vers le système TRAPPIST-1, par exemple, prendrait environ 12 000 ans. « Cela prend beaucoup de temps (à cause de la très faible densité des milieux interstellaires). Ce n’est donc pas une bonne nouvelle si vous espérez un retour (données scientifiques, images) au cours de votre vie. Les voiles magnétiques fonctionnent, mais il faut voir à long terme ».

Vous l’aurez compris, un tel système ne fonctionnerait pas pour un nanovaisseau comme celui envisagé par le projet Breakthrough Starshot, qui prévoit l’envoi d’une sonde avec un retour des données enregistrées disponibles en une génération. « L’initiative Breakthrough Starshot vise à lancer un engin spatial à un cinquième de la vitesse de la lumière afin qu’il atteigne les étoiles les plus proches au cours d’une vie humaine. Il est difficile d’enthousiasmer les gens à propos d’un voyage dont ils ne verront pas l’achèvement », note le chercheur.

Pour des missions du type Genesis Project en revanche, le temps n’est pas un facteur. Le plus important, c’est la capacité à ralentir et à établir une orbite autour d’une planète. Une telle sonde, qui transporterait des organismes unicellulaires — soit codés dans une usine de gènes ou stockés sous forme de spores cryogénisées — pourrait en effet prendre des milliers d’années pour atteindre un système d’étoiles voisin. Une fois sur place, elle commencerait alors à ensemencer des planètes. Peu importe que vous ne soyez plus de ce monde.

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