Quelle était la température du globe au pic du dernier maximum glaciaire, il y a environ 20 000 ans ? Jusqu’à présent, les estimations avancées étaient assez mal contraintes et donc sujettes à une marge d’incertitude notable. Dans une étude parue ce 26 août dans Nature, des chercheurs ont toutefois pu contourner une partie de ces difficultés méthodologiques.
Maximum glaciaire : un refroidissement hétérogène
Au terme de leurs travaux, les scientifiques sont arrivés à la conclusion que la température globale était 6 °C inférieure à l’actuelle. Autrement dit, la moyenne planétaire se situait à environ 8 °C – à comparer aux 14 °C du 20e siècle. Il s’agit de l’estimation la plus précise disponible à ce jour. « D’après notre expérience personnelle, cela ne semble pas faire une grande différence, mais en fait c’est un énorme changement », souligne Jessica E. Tierney, paléoclimatologue à l’Université d’Arizona (États-Unis) et auteure principale du papier. En effet, le visage de la planète était drastiquement différent de celui qu’on lui connaît.
« En Amérique du Nord et en Europe, les régions les plus septentrionales étaient couvertes de glace et étaient extrêmement froides » détaille la chercheuse. « Mais le refroidissement le plus important s’est produit dans les hautes latitudes, comme dans l’Arctique, où il faisait environ 14 °C plus froid qu’aujourd’hui ». A contrario, les tropiques n’ont connu qu’un refroidissement faible à modéré.
Le fait que la région polaire nord réagisse plus fortement aux changements climatiques est une caractéristique bien connue – et désormais bien comprise. On parle d’amplification polaire. Par exemple, avec le réchauffement actuel, la zone arctique subit une élévation thermique 2 à 3 fois plus rapide que la moyenne mondiale. Une propriété qui se trouve d’ailleurs être très bien reproduite par les modèles climatiques.
Une sensibilité climatique relativement élevée
Travailler une meilleure estimation des températures lors du dernier maximum glaciaire a également des implications plus fondamentales. En particulier, cela permet de mieux évaluer une variable clé que l’on appelle la sensibilité climatique à l’équilibre. Cette dernière indique de combien la température moyenne varie lorsque la quantité de CO2 dans l’atmosphère est modifiée. Il y a 20 000 ans, celle-ci était d’environ 180 ppm (parties par million) – contre 280 ppm à l’époque préindustrielle.
Dans leur étude, les chercheurs ont déterminé que pour chaque doublement du CO2, la température planétaire augmentait de 3,4 °C. « Une valeur qui est plus élevée que les estimations précédentes basées sur le dernier maximum glaciaire mais cohérente avec la plage consensuelle traditionnelle de 2 °C à 4,5 °C » conclut le papier dans son abstract. En pratique, cette valeur rend presque impossible la réussite des objectifs fixés par les Accords de Paris en 2015.
« Ces accords voulaient maintenir le réchauffement à moins de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Mais avec les niveaux de dioxyde de carbone augmentant comme ils le font, il serait extrêmement difficile d’éviter plus de 2 °C de réchauffement » regrette Jessica E. Tierney. « Nous avons déjà environ 1,1 °C de réchauffement à notre actif. Mais moins nous avons chaud, mieux c’est (…) ». En conclusion, même si les objectifs initiaux ne sont pas atteints, il sera toujours dans notre intérêt de limiter le plus possible nos émissions de gaz à effet de serre – et donc l’ampleur de la hausse des températures.