La plante poussant le plus vite au monde n’est autre qu’une lentille d’eau. Son secret ? Une simplification extrême de son génome et une évolution optimisée pour une croissance rapide. Or, cette particularité fait qu’elle présente plusieurs intérêts dans divers domaines de recherche.
La croissance la plus rapide du monde
Les Wolffia (ou wolfies) sont un genre de plantes aquatiques flottantes, communément appelées « lentilles d’eau ». Il s’agit des plus petites plantes au monde capables de donner des fleurs. Dans une étude publiée dans la revue Genome Research le 19 janvier 2021, des chercheurs étasuniens, allemands et indiens se sont intéressés à une espèce en particulier : la Wolffia australiana. Selon eux, cette lentille d’eau aurait la plus forte croissance parmi toutes les autres plantes. Celle-ci peut en effet doubler sa taille en seulement 24 heures.
Afin de comprendre le secret de la Wolffia australiana, les chercheurs ont effectué un séquençage de son génome. Ils ont également cultivé la plante en respectant un cycle circadien et ont pratiqué des analyses afin de comprendre quels gènes étaient actifs et à quel moment de la journée. Rappelons tout de même que la plupart des plantes grandissent en suivant un cycle circadien et ont tendance à grandir surtout le matin.
Selon les résultats, seulement 13 % des gènes de la Wolffia australiana s’expriment selon un cycle circadien. Or, dans le cas de la plupart des autres plantes, ce taux atteint en moyenne 40 %. Selon Todd Michael, le principal auteur de l’étude du Salk Institute for Biological Studies (États-Unis), ceci explique pourquoi la lentille d’eau grandit aussi vite. Il a également indiqué qu’elle était capable de grandir en continu sous l’effet de la lumière. Les autres plantes sont quant à elles naturellement limitées par leur horloge circadienne interne.
Un génome ultra-simplifié
Cette « simplification » génétique n’est pas la seule concernant cette plante. En effet, d’autres gènes habituellement importants pour le comportement, les mécanismes de défense ou encore la croissance racinaire sont absents. Pour Todd Michael, la Wolffia australiana s’est débarrassée des gènes dont elle n’avait pas besoin au cours de son évolution. C’est ce qui lui a permis d’évoluer pour bénéficier d’une capacité de croissance rapide et incontrôlée. Il faut savoir que cette lentille d’eau possède un génome de 357 millions de paires de bases (Mb) pour 15 000 protéines codantes. À titre de comparaison, le blé détient 15 500 millions de paires de bases.
Pour les scientifiques, la Wolffia australiana présente plusieurs intérêts. Citons tout d’abord la possibilité qu’elle devienne un nouveau modèle pour l’étude de la manière dont les gènes agissent sur les activités biologiques. L’arabette (Arabidopsis thaliana) a en effet actuellement les faveurs des biologistes pour ce genre de travaux, mais elle se développe bien moins vite.
Ensuite, cette lentille d’eau pourrait incarner une nouvelle source de protéines pour les humains ou encore, une base pour un nouveau biocarburant. Traditionnellement consommée en Asie du Sud-Est, la lentille d’eau pourrait également servir à imaginer la création de nouvelles plantes à croissance rapide. Pour les chercheurs, l’intérêt se porterait plus sur des plantes à cultiver en environnement artificiel sous lumière continue.