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Les villes ennuyeuses sont peut-être à l’origine d’un problème de santé publique

L’aménagement et le manque d’esthétisme des villes pourraient avoir des répercussions sur la santé mentale de leurs habitants. Plusieurs projets s’intéressent ainsi à cette hypothèse assez surprenante au premier abord, mais pour l’instant, il n’existe aucune preuve tangible malgré les travaux de certains chercheurs.

Étudier l’effet de l’architecture des villes sur le mental : une discipline émergente

Certaines villes sont particulièrement peu agréables à regarder et à vivre. Bâtiments monotones, autoroutes agressives ou encore manque de végétation, les raisons peuvent être nombreuses. Il faut dire que les villes n’ont jamais réellement été pensées en prenant en compte la santé mentale des habitants. Rappelons pourtant qu’en 2024, plus de 57 % de la population mondiale vivaient en ville et d’ici 2050, ce nombre pourrait grimper à 75 %.

Il est ici question de neuroarchitecture, une discipline émergente qui associe les principes des neurosciences à la conception architecturale. Les chercheurs qui s’intéressent au sujet ont pour objectif de mesurer l’impact significatif des espaces physiques (ici urbains) sur nos émotions, nos comportements et notre bien-être en général.

Quelques projets en cours

Plusieurs projets sont déjà en cours pour en savoir davantage sur le phénomène. Citons Colin Ellard, le directeur du Laboratoire des réalités urbaines à l’Université de Waterloo (Canada). En partenariat avec la campagne Humanise, ce chercheur mène une étude internationale sur les réponses psychologiques des citadins aux différentes façades de bâtiments. Ces recherches sont menées en parallèle d’une autre étude de l’Université de Cambridge (Royaume-Uni), dont l’objectif est d’établir un lien entre certaines façades et l’apparition de neuroinflammations.

En France à Dax, un projet expérimental de « village Alzheimer » a vu le jour en 2020. Accueillant 120 personnes, cet établissement de soins se compose de plusieurs maisons dont la disposition rappelle celles des bastides, un type de ville nouvelle close courant au Moyen-Age. Au Danemark, le cabinet NORD Architects est par ailleurs à l’origine d’un concept architectural pratique et réconfortant qui vise à faciliter le quotidien des personnes qui ont de plus en plus de difficultés à s’orienter et retrouver leur chemin avec l’âge.

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Crédits : Département des Landes / Flickr

L’Union européenne s’implique également, avec le financement du projet eMOTIONAL Cities. Les acteurs de cette initiative réalisent des cartes sensorielles de plusieurs villes, dont Londres, Lisbonne ou encore Copenhague.

Aucune preuve formelle pour l’instant

S’il existe davantage de projets en cours, l’essentiel se trouve dans le fait que les secteurs du bâtiment et de l’architecture tentent d’inclure la notion de neuroarchitecture dans leurs réflexions. De plus, l’intelligence artificielle générative pourrait apporter son aide en s’associant aux découvertes faites dans cette discipline.

Dans les années 1960 et 1970, l’autrice et activiste américaine Jane Jacobs et l’architecte danois Jan Gehl ont été les premiers à remettre en cause le consensus architectural en vigueur. Ces spécialistes estiment en effet qu’avec entre autres une architecture souvent laide, des voies de circulations source de stress et des étalements urbains monotones, l’urbanisme n’est pas en phase avec les habitants. Cependant, leurs déclarations ont un écho limité, car sur le plan scientifique, il n’existe pour l’heure encore aucune preuve formelle de l’impact de l’urbanisme sur la santé mentale.

Toutefois, les projets en cours pourraient permettre de faire des découvertes potentiellement capables de changer la donne. Dans un futur plus où moins proche, la santé mentale pourrait être autant prise en compte que d’autres notions telles que l’efficacité énergétique, la durabilité, l’acoustique où le calcul des charges structurelles avant la construction d’un bâtiment par exemple.

Yohan Demeure

Rédigé par Yohan Demeure

Licencié en géographie, j’aime intégrer dans mes recherches une dimension humaine. Passionné par l’Asie, les voyages, le cinéma et la musique, j’espère attirer votre attention sur des sujets intéressants.