Dans un village situé en République dominicaine, certains enfants naissent sous l’apparence de filles, et sont élevés comme telles, avant de changer subitement de sexe au moment de la puberté. Explication de ce phénomène rarissime.
Le petit village de Salinas, en République dominicaine, est frappé par un phénomène pour le moins étonnant. En effet, environ un enfant sur quatre-vingt-dix commence sa vie avec un appareil génital féminin avant de développer un pénis vers l’âge de 12 ans. La BBC a ainsi voulu en apprendre davantage sur ces jeunes appelés « Guevedoces » (comprendre « pénis à 12 ans ») en partant à leur rencontre. « Quand ils naissent, ils n’ont pas de testicules et ressemblent à des petites filles avec ce qui apparaît être un vagin. C’est seulement quand ils approchent de la puberté que le pénis et les testicules se développent », a expliqué Michael Mosely, journaliste en charge de ce reportage, dans un article publié dans The Telegraph.
Au travers de son documentaire ( » Countdown to Life : the extraordinary making of you », diffusé le 14 septembre dernier), le reporter a notamment rencontré Johnny, appelé Felicité à sa naissance, car il ne présentait alors aucun attribut masculin. Celui-ci raconte qu’avant son changement de genre, qui s’est effectué à l’âge de 7 ans, il n’avait jamais été à l’aise avec les activités normalement associées aux filles. « Je n’ai jamais aimé être habillé comme une fille et lorsqu’on m’offrait des jouets de filles, je ne m’y intéressais pas. Quand je voyais un groupe de garçons, je préférais aller jouer au ballon avec eux », explique ainsi Johnny, relayé par le site levif.
Si Johnny a décidé de changer de prénom à la suite de ses modifications physiques, cela n’est pas pour autant le cas de tous les enfants Guevedoces. En effet, une partie d’entre eux continuent de porter un nom féminin tout au long de leur vie. Par ailleurs, hormis des organes sexuels plus petits et une barbe effilée, rien ne permet, à l’âge adulte, de différencier physiquement les Guevedoces des autres hommes. « Ils vivent normalement leur vie comme des hommes à part entière, d’autant que leurs organes sexuels sont totalement fonctionnels », indique Michael Mosely, relayé par le site metronews.
Notons également que ce phénomène, bien que rarissime, n’est pas exclusif à ce village de la République dominicaine. D’autres cas ont en effet été observés dans d’autres régions du monde, notamment en Tunisie et en Nouvelle-Guinée.
Une maladie rare provoquée par un déficit enzymatique
Bien qu’extrêmement rare, cette anomalie a attiré dès les années 1970 l’attention du Dr Julianne Imperato-McGinley, endocrinologue à l’université de Cornell (États-Unis). Selon les travaux qu’elle a effectués, les enfants Guevedoces naîtraient, en dépit de leur apparence féminine, avec des chromosomes XY qui sont la signature génétique de la masculinité. Néanmoins, le développement de tout attribut masculin au cours de la grossesse et durant la majeure partie de l’enfance serait empêché par un déficit en enzyme 5— alpha-reductase, qui est chargée de convertir la testostérone en dihydrotestostérone. Or, c’est justement cette dernière qui permet le développement du pénis chez le fœtus. Ces enfants doivent donc attendre la seconde poussée de testostérone, qui a lieu au début de la puberté, pour enfin voir se développer les organes génitaux masculins, ainsi que les caractères sexuels secondaires (muscles du torse, poils, etc.).
Par ailleurs, le Dr Imperato-McGinley a également remarqué que ces enfants étaient dotés d’une prostate particulièrement petite. Ce constat a amené Roy Vagelos, directeur de recherche au laboratoire pharmaceutique internation Merck, à entamer d’autres recherches qui ont abouti à la création d’un médicament ayant la particularité de bloquer l’action de l’enzyme 5— alpha-réductase. Commercialisée sous le nom de finastéride, cette molécule est aujourd’hui utilisée par des millions de personnes contre le cancer de la prostate et pour traiter la calvitie.
Sources : metronews – levif – S&A
- Illustration : Johnny / Crédits photo : Dr Michael Mosely