Vient-on d’assister à la naissance d’un magnétar ?

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Illustration d'artiste d'un magnétar. Crédits : ESA

Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, une énorme rafale de rayons gamma a libéré plus d’énergie en une demi-seconde que le Soleil n’en produira toute sa vie. D’après des chercheurs, nous pourrions avoir assisté à la naissance d’un magnétar issu de la fusion de deux étoiles à neutrons. Si tel est effectivement le cas, ce serait une première.

Lorsqu’une étoile massive arrive au terme de sa vie, son enveloppe externe est expulsée. Son cœur s’effondre sous l’effet de la gravitation et donne naissance à une étoile à neutrons. Physiquement, imaginez un petit objet de quelques kilomètres de diamètre dont la masse volumique est de l’ordre d’un milliard de tonnes, composé quasi uniquement de neutrons maintenus ensemble par la force de gravitation.

Certains de ces cadavres stellaires ultra-concentrés tournent très rapidement sur eux-mêmes, projetant alors des faisceaux de radiation très intenses dans l’espace. Depuis la Terre, si tant est que nous soyons dans la ligne de mire, nous avons alors l’impression de voir « pulser » l’étoile à neutron, tel un phare dans la nuit. On parle alors de « pulsar ».

D’autres cadavres stellaires présentent également des champs magnétiques très puissants. On parle alors cette fois de magnétars.

Une lueur étonnamment brillante

Il y a quelques mois, des astronomes de l’Université Northwestern s’appuyant sur l’observatoire Neil Gehrels Swift de la NASA ont détecté une intense lueur isolée à l’intérieur d’une galaxie lointaine. Ils ont ensuite enrôlé plusieurs télescopes dans le but d’observer ce « sursaut gamma », le plus brillant jamais observé, dans des longueurs d’onde optiques, radiographiques, proche infrarouge et radio. Ils ont alors soulevé quelque chose d’étrange.

Comparée aux observations aux rayons X et radio, l’émission dans le proche infrarouge détectée grâce à Hubble était dix fois plus lumineuse que prévu. « Ces informations nous ont fait comprendre que nous devions abandonner notre pensée conventionnelle et penser que nous étions face à un nouveau phénomène en cours« , explique alors Wen-fai Fong, principal auteur de l’étude.

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Cette image montre la lueur d’une kilonova causée par la fusion de deux étoiles à neutrons. Elle apparaît en un point lumineux (indiqué par la flèche) en haut à gauche de la galaxie hôte. Crédits : NASA, ESA, W. Fong (Northwestern University) et T. Laskar (University of Bath, Royaume-Uni)

Naissance d’un magnétar ?

Les astronomes pensent que ces courts sursauts gamma sont générés par la fusion de deux étoiles à neutrons. Alors que la plupart de ces fusions aboutissent généralement à la formation d’une étoile à neutrons si lourde qu’elle s’effondre en un trou noir en quelques millisecondes, les deux étoiles à neutrons fusionnées dans ce cas pourraient s’être combinées pour former un magnétar.

« Notre étude montre qu’il est possible que, pour ce court sursaut gamma particulier, l’objet lourd ait survécu. Au lieu de s’effondrer dans un trou noir, il est devenu un magnétar : une étoile à neutrons à rotation rapide et générant de grands champs magnétiques, déversant de l’énergie dans son environnement environnant et créant la lueur très brillante que nous voyons« , résume Wen-fai Fong.

« Nous savons que les magnétars existent parce que nous les voyons dans notre galaxie« , poursuit le chercheur. « Nous pensons que la plupart d’entre eux se forment lors de la mort explosive d’étoiles massives, laissant derrière elles ces étoiles à neutrons hautement magnétisées. Cependant, il est possible qu’une petite fraction de ces objets se forme par la fusion d’étoiles à neutrons« .

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Séquence de formation d’une kilonova alimentée par un magnétar. 1 : Deux étoiles à neutrons en orbite se rapprochent. 2 : Elles entrent en collision et fusionnent, déclenchant une explosion massive. 3 : La fusion forme un magnétar. 4 : Le magnétar dépose de l’énergie dans le matériau éjecté, le faisant briller de manière inattendue aux longueurs d’onde infrarouges. Crédits: NASA, ESA et D. Player (STScI)

Si tel est le cas, ce serait une grande première, mais comment en être sûr ? Si la lumière inattendue captée par Hubble provenait effectivement d’un magnétar, alors le matériau éjecté de la rafale devrait normalement produire une lumière apparaissant sous des longueurs d’onde radio dans quelques années. Des observations de suivi pourraient alors confirmer ou non la découverte.