Hiver nucléaire : combien un conflit américano-russe ferait-il de victimes ?

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Selon une Ă©tude, une guerre nuclĂ©aire Ă  grande Ă©chelle entre les États-Unis, la Russie et leurs alliĂ©s crĂ©erait des incendies gĂ©nĂ©ralisĂ©s qui pourraient Ă©jecter jusqu’Ă  165 millions de tonnes de suie dans l’atmosphère terrestre, entraĂ®nant une baisse des rĂ©coltes et de la production mondiale de calories jusqu’Ă  90 %. En consĂ©quence, plus de cinq milliards de personnes (environ 63% de la population mondiale actuelle) mourraient de la famine.

Sur les plus de 12 700 ogives nuclĂ©aires dans le monde, la Russie en possède 5 977 et les États-Unis 5 428. Viennent ensuite la Chine (350 ogives), l’Inde et le Pakistan (respectivement 160 et 165). Ces armes sont incroyablement dissuasives. Aussi, la possibilitĂ© d’une guerre nuclĂ©aire ouverte reste malgrĂ© tout assez faible (mais toujours possible), tant les consĂ©quences seraient dĂ©sastreuses.

Les effets les plus immĂ©diats de toute guerre nuclĂ©aire, du moins pour ceux qui se trouvent dans une ville ciblĂ©e, sont tristement connus depuis le largage de « Little Boy » sur Hiroshima le 6 aoĂ»t 1945. Des Ă©tudes ont Ă©galement documentĂ© les souffrances consĂ©cutives aux retombĂ©es radioactives, un sous-produit de la rĂ©action de fission nuclĂ©aire. Ă€ Hiroshima et Nagasaki, des taux accrus de cancer, de cataractes et d’autres problèmes de santĂ© ont en effet persistĂ© pendant des annĂ©es chez les survivants.

Plus récemment, des chercheurs se sont intéressés au fameux hiver nucléaire. Dans un tel scénario, la poussière et la fumée radioactives bloqueraient une partie importante de la lumière du Soleil. Avec la baisse des températures, de nombreuses cultures mondiales étoufferaient, créant une famine généralisée, mais dans quelle mesure ?

Plusieurs scénarios envisagés

Dans le cadre de ces travaux publiĂ©s dans la revue Nature Food, des chercheurs ont calculĂ© la quantitĂ© de suie qui serait gĂ©nĂ©rĂ©e Ă  partir de six scĂ©narios potentiels de guerre nuclĂ©aire. Cinq de ces scĂ©narios impliquaient une guerre « limitĂ©e » entre l’Inde et le Pakistan sur la rĂ©gion du Cachemire, tandis qu’un autre se concentrait sur guerre nuclĂ©aire mondiale Ă  grande Ă©chelle impliquant les États-Unis et la Russie.

Les chercheurs ont dĂ©terminĂ© qu’une guerre indo-pakistanaise produirait de 5,5 Ă  52 millions de tonnes de suie selon l’ampleur du conflit. Un conflit amĂ©ricano-russe serait en revanche beaucoup plus dĂ©sastreux, produisant d’innombrables conflagrations voilant le ciel avec 165 millions de tonnes de suie.

Les scientifiques ont ensuite intĂ©grĂ© ces donnĂ©es dans un modèle de système terrestre dĂ©veloppĂ© par le National Center for Atmospheric Research (NCAR). Il s’agit d’un outil de prĂ©vision communautaire capable de simuler les changements de la lumière solaire, de la tempĂ©rature et des prĂ©cipitations de la Terre. L’Ă©quipe a finalement obtenu une ventilation pays par pays des consĂ©quences d’un hiver nuclĂ©aire sur les rĂ©coltes (maĂŻs, riz, soja et blĂ©) et sur la production de poisson.

En supposant que le commerce international s’arrĂŞte et que les ressources restantes ne sont pas thĂ©saurisĂ©es, les scientifiques ont alors calculĂ© comment cet hiver nuclĂ©aire pourrait rĂ©duire les calories alimentaires produites dans le monde. Dès lors, ils ont pu estimer le nombre de morts en consĂ©quence Ă  la famine.

bombe nucléaire
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63% de la population décimés

Dans le scĂ©nario le plus extrĂŞme entre l’Inde et le Pakistan, la production mondiale de calories pourrait chuter de 50 %, entraĂ®nant la mort de deux milliards de personnes. Dans le pire des scĂ©narios, les tempĂ©ratures Ă  la surface de la Terre chuteraient jusqu’Ă  16°C, entraĂ®nant la mort de plus de cinq milliards de personnes, soit 63% de la population mondiale.

Les rĂ©gions les plus durement touchĂ©es seraient les pays importateurs de denrĂ©es d’Afrique et du Moyen-Orient. L’Australie et la Nouvelle-ZĂ©lande seraient les moins touchĂ©es, ces pays Ă©vitant la plupart des bombes larguĂ©es dans l’hĂ©misphère nord et s’appuyant sur des cultures de blĂ© plus rĂ©sistantes dans un climat plus frais.

Dans leur Ă©tude et compte tenu de ces rĂ©sultats, les chercheurs soulignent la nĂ©cessitĂ© de s’engager dans des stratĂ©gies de dĂ©sarmement Ă  long terme. « Si les armes nuclĂ©aires existent, elles peuvent ĂŞtre utilisĂ©es et le monde a frĂ´lĂ© la guerre nuclĂ©aire Ă  plusieurs reprises« , rappelle en effet Alan Robock, de l’UniversitĂ© Rutgers du New Jersey et principal auteur de ces travaux,

« L’interdiction des armes nuclĂ©aires est la seule solution Ă  long terme. Le TraitĂ© des Nations Unies sur l’interdiction des armes nuclĂ©aires, vieux de cinq ans [qui interdit le dĂ©veloppement, les essais, la production, le stockage, le stationnement, le transfert, l’utilisation et la menace d’utilisation d’armes nuclĂ©aires] a Ă©tĂ© ratifiĂ© par soixante-six nations, mais aucun des neuf États nuclĂ©aires », ajoute le chercheur. « Notre travail montre clairement qu’il est temps pour ces neuf États d’Ă©couter la science et le reste du monde et de signer ce traité« .