Alors que la banquise du pôle nord a subi un hiver anormalement doux et agité qui a limité son expansion habituelle, la saison de fonte démarre sur les chapeaux de roues. Seraient-ce les signes précurseurs d’un minimum record d’ici la fin de l’été ?
L’étendue moyenne de glace de mer durant ce mois d’avril 2018 était de 13,7 millions de km². Cette valeur est, avec celle de 2016, la plus basse pour un mois d’avril depuis le début des observations par les satellites. Au 7 mai, l’extension se situe en seconde position des plus faibles avec 12,7 millions de km². Le record pour cette période de l’année date de 2016 avec 12,6 millions de km².
Comme l’impose le cycle saisonnier, la banquise arctique entre actuellement dans sa période de fonte annuelle qui se terminera au cours du mois de septembre, date à laquelle le minimum d’étendue sera atteint. Cette année et à l’image des précédentes, la banquise est très fragile car constituée en grande majorité de glace saisonnière, c’est-à-dire de glace jeune péniblement formée au cours de l’hiver précédent. Elle ne mesure en moyenne que de 1 à 2 mètres d’épaisseur et a tendance à ne pas survivre durant la saison de fonte. Ainsi, à moins d’avoir des conditions météorologiques très favorables au pôle nord – un régime de temps dépressionnaire apportant de la nébulosité et de la fraîcheur -, on peut s’attendre à ce qu’une grande partie de la glace de mer saisonnière présente en ce début mai ait fondu d’ici fin septembre.
À l’inverse, la glace pluriannuelle qui peut faire jusqu’à 5 mètres d’épaisseur est assez massive pour résister. Or, les analyses montrent qu’au cours de la dernière décennie, une quantité importante de cette glace épaisse a disparu. Ce phénomène est dû à une accentuation de la fusion estivale et à l’augmentation de l’export par les courants au travers du détroit de Fram situé entre le Groenland et le Svalbard. En atteignant des latitudes plus basses, ces glaces y rencontrent des eaux bien plus chaudes et finissent par fondre. Ces pertes récentes se placent sur une tendance multi-décennale très claire, où la surface du bassin arctique occupée par les glaces pluriannuelles diminue à très grande vitesse. En fin d’hiver, la surface occupée par de la glace de plus d’un an est passée de 61 % en 1984 à 34 % en 2018. Seulement 2 % du bassin restent occupés par de la glace âgée de 5 ans ou plus. La banquise devient ainsi de plus en plus vulnérable durant la saison estivale.

Au cours des dernières années, les conditions météorologiques ont pu limiter la virulence de la perte de glace de mer durant l’été. Mais est-ce que cela sera encore le cas cette année ? Dans la perspective d’un retour à des conditions météorologiques plus défavorables pour l’Arctique, comme ce fut le cas en 2012 par exemple, le record du minimum annuel le plus bas pourrait être battu. L’océan Arctique serait ainsi pratiquement dépourvu de glace en septembre. Toutefois, la prévision du régime de temps qui régnera au pôle nord au cours des prochains mois reste un point d’interrogation. À ces échéances, la prévisibilité atmosphérique est très faible, et introduit une limite nette à l’exercice de prévision de l’état de la banquise. Ainsi, un démarrage précoce et rapide de la fonte ne signifie pas forcément un minimum record en fin de saison, étant donné que les conditions météorologiques peuvent basculer rapidement d’une semaine à l’autre.

Quoi qu’il en soit, la circulation atmosphérique ne pourra pas protéger indéfiniment la banquise de la tendance climatique de fond. Enfin, n’oublions pas que ces considérations ne sont que quelques-unes des nombreuses facettes des bouleversements climatiques et environnementaux que subissent les régions polaires depuis plusieurs décennies.
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