Ces vers prennent des décisions complexes avec seulement 300 neurones

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Crédits : Robbie Rae

Des petits vers avec seulement trois cents cellules cérébrales étonnent les scientifiques par leur capacité à prendre des décisions complexes. D’après eux, ces invertébrés affichent en effet une gamme de comportements « intelligents » qui varient selon la situation, et ce, malgré une puissance neuronale 285 millions de fois moins puissante que celle des humains.

C. elegans est un petit ver d’environ un millimètre de long qui se nourrit principalement de bactéries. Il est utilisé depuis plusieurs décennies en laboratoire comme organisme modèle génétique. Moins connu, Pristionchus pacificus est une espèce concurrente qui n’hésite pas à s’attaquer à son rival à coups de « morsures », selon une étude. Plus intéressant encore, ces attaques semblent être « réfléchies ».

Dans le cadre d’expériences menées en laboratoire, une équipe du Salk Institute for Biological Studies à La Jolla, en Californie, a en effet découvert que ces morsures peuvent être utilisées pour tuer ou avertir leurs concurrents.

Balance bénéfices/risques

Plus concrètement, lorsque P. pacificus tombait sur une larve de C. elegans, le ver mordait et tuait les nématodes juvéniles avant de les manger. En revanche, dès qu’il se heurtait à des spécimens adultes, P. pacificus privilégiait des morsures non létales. Ces dernières étaient destinées à agir comme une sorte d’avertissement territorial, poussant finalement C. elegans à reculer.

Or, nous savons que P. pacificus est parfaitement capable de tuer un ver C. elegans adulte. Cependant, de tels combats impliquent nécessairement une plus grande dépense d’énergie. Ils augmentent également le risque de blessures. Ainsi, les chercheurs pensent que les vers P. pacificus choisissent de tuer ou non leurs concurrents en fonction de la taille et du stade de développement de leurs adversaires.

Au cours des expériences, P. pacificus était également plus susceptible de mordre C. elegans lorsqu’il y avait moins de bactéries, quel que soit leur stade de vie. Là encore, ce comportement suggère que ces vers peuvent prendre en compte plusieurs types d’informations pour prendre une décision.

La capacité de peser les coûts et les avantages d’une action avec de multiples résultats potentiels est souvent observée chez les vertébrés. Jusqu’à présent, on pensait en revanche que les invertébrés en étaient incapables. En réalité, comme nous le montre cette étude, P. pacificus est polyvalent et peut utiliser la même action (mordre C. elegans) pour atteindre différents objectifs à long terme.

Pour un ver équipé de seulement trois cents neurones, ce niveau de prise de décision est donc très surprenant. À titre de comparaison, les humains possèdent environ 86 milliards de ces cellules nerveuses.

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C. elegans (à droite) fuyant après avoir été mordu par P. pacificus (à gauche) au cours de l’une des expériences. Crédits : Institut Salk

Comprendre le processus décisionnel

Les chercheurs ignorent encore par quels moyens ces vers prennent leurs décisions avec si peu de neurones. Plusieurs expériences laissent à penser que deux neurotransmetteurs (la dopamine et l’octopamine) pourraient jouer un rôle. En inhibant la capacité des vers à produire la dopamine, ces derniers avaient tendance à cibler les adultes C. elegans avec des morsures territoriales. À l’inverse, en inhibant la capacité des vers à produire de l’octopamine, ces derniers avaient tendance à se concentrer sur les larves.

Les chercheurs prévoient d’en apprendre davantage sur le rôle de ces neurotransmetteurs dans ce processus décisionnel. Pour ce faire, ils proposeront d’autres scénarios à P. pacificus. À terme, ces travaux pourraient aider à comprendre comment ces capacités auraient pu évoluer de simples organismes microscopiques à des espèces plus imposantes comme les humains.