Vers un ADN 100% artificiel pour révolutionner la médecine ?

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Au laboratoire de Jef Boeke, vous pourriez sentir une odeur qui ressemble à celle du pain chaud. Et c’est bien de la levure qui sort du four, mais on prépare ici une tout autre chose : un génome 100 % artificiel.

La biologie de synthèse semble promise à un bel avenir avec de nombreuses applications potentielles en vue (industrielles ou médicales). Depuis quelques années, les chercheurs sont en mesure d’« intervenir » dans le génome d’êtres vivants, de modifier en quelque sorte les codes d’un ADN déjà existant. Mais bâtir une forme de vie redessinée à partir de rien, c’est autre chose et si l’on ne parle ici que de levure du boulanger, c’est pourtant bien l’avenir de l’humanité qui est ici concernée.

L’assemblage d’un génome artificiel complet de levure franchissait une nouvelle étape en mars dernier. Plusieurs équipes de chercheurs travaillent en effet au projet de génome synthétique de la levure appelé Sc2.0 et piloté entre autres par Joel Bader, professeur d’ingénierie biomédicale à la faculté de médecine Johns Hopkin. Le génome de la levure de boulanger (Saccharomyces cerevisiae) se compose de seize chromosomes, des structures cellulaires contenant les informations génétiques et portant les gènes qui sont transmis de génération en génération. Les cellules de cet organisme ont aussi un grand nombre de similarités avec les cellules humaines. C’est la raison pour laquelle elles sont intéressantes et aussi pourquoi nous sommes concernés.

« Ces résultats représentent un progrès majeur vers la création du premier organisme complexe synthétique », soulignaient il y a quelques semaines les chercheurs. Plusieurs autres chromosomes synthétiques sont en voie de création et ils espèrent assembler et insérer le premier génome artificiel dans une cellule de levure d’ici les deux prochaines années. Seulement réécrire le génome de la levure, c’est plus facile à dire qu’à faire.

Imaginez une chaîne avec 12 millions de liens chimiques contenus par les lettres A, C, G et T. Le génome de la levure fait moins de cent fois la taille du génome humain qui a 3,2 milliards de liens, mais le travail n’en reste pas moins énorme et fastidieux, c’est pourquoi des généticiens américains, australiens, chinois et anglais se répartissent le travail aux quatre coins du monde. Une fois le nouveau génome terminé, les chercheurs auront ajouté, supprimé ou modifié environ un million de lettres ADN.

Joel Bader compare ce génome à un livre avec de nombreux chapitres. Ils sortent ici une nouvelle édition avec des chapitres supplémentaires ou modifiés qui permettent aux personnages de faire quelque chose qu’ils ne pouvaient pas faire auparavant.

Le but est ici d’ouvrir la voie à la conception de génomes synthétiques pour répondre à des besoins non satisfaits en médecine et dans les industries comme la création de nouveaux enzymes ou d’antibiotiques. De tels organismes synthétiques pourraient également être exploités comme modèles pour comprendre les maladies humaines, identifier des cibles thérapeutiques pour traiter des maladies et produire de nouveaux médicaments plus ciblés.

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