Vénus est une planète encore vivante

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Illustration de la planète Vénus. Crédits : JAXA / ISAS / DARTS / Damia Bouic

Enveloppée sous une épaisse atmosphère d’acide sulfurique et brûlée par des températures supérieures à 400°C, la surface de Vénus est très hostile à la vie telle que nous la connaissons. Pendant longtemps, on a également pensé que la planète elle-même était morte. Toutefois, au fil des années, de plus en plus d’indices témoignant d’un possible volcanisme se sont accumulés. Les chercheurs ont maintenant observé une preuve directe d’éruption. Géologiquement parlant, Vénus est donc encore vivante. 

Les signes d’un « pouls » géologique

Les premiers signes sont apparus dès 2010. À l’époque, les chercheurs de la mission Venus Express de l’Agence spatiale européenne (ESA) avaient détecté trois régions anormalement chaudes. On les imaginait alors tapissées d’anciennes coulées de lave vieilles de quelques millions d’années non totalement refroidies. Quelques années plus tard, le même vaisseau avait isolé plusieurs pics atmosphériques de dioxyde de soufre, un gaz qui aurait potentiellement pu être libéré par des volcans en surface.

De son côté, la sonde Magellan, lancée le 4 mai 1989, était équipée d’un radar à synthèse d’ouverture (SAR) pour cartographier en détail la surface de Vénus, permettant aux scientifiques d’étudier sa géologie, sa topographie et d’autres caractéristiques. Entrée en orbite le 10 août 1990, elle a ensuite commencé une mission de quatre ans au cours de laquelle elle a effectué de nombreux relevés.

En 2021, une énième analyse des données de Magellan avait permis d’identifier plusieurs morceaux de croûte visiblement déformés dans un passé récent, comme pourraient l’être d’énormes morceaux de banquise terrestres au-dessus d’une mer agitée.

Plus récemment, intrigué par ces données, le planétologue Robert Herrick, de l’Université d’Alaska à Fairbanks, a décidé d’analyser à nouveau les relevés de Magellan pour isoler des signes clairs de volcanisme. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Science.

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Illustration d’artiste de volcans sur Vénus. Crédits : ESA / AOES

Une aiguille dans une botte de foin

Le travail n’a pas été simple. Avec une résolution de plusieurs centaines de mètres, les images de Magellan sont en effet relativement grossières, sensibles uniquement aux plus grands changements du paysage. Par ailleurs, au cours de sa mission, le vaisseau n’a revisité les mêmes endroits que trois fois au maximum, et lors de sa deuxième campagne, son radar était tourné de 180°, obligeant ainsi le chercheur à comparer les caractéristiques du sol sous des angles opposés.

Il s’agissait donc essentiellement de chercher une aiguille dans une botte de foin sans aucune garantie qu’il y en ait une. Pour maximiser ses chances, le chercheur a ciblé plusieurs candidats évidents, dont Maat Mons, un volcan plus haut que le mont Everest. La sonde Magellan avait en effet déjà découvert que la force de gravité au-dessus du volcan était étonnamment faible, signe qu’un panache chaud de roche moins dense du manteau pourrait possiblement l’alimenter.

Une preuve directe

Après des centaines d’heures de comparaisons, le planétologue a finalement repéré ce qui ressemblait à une caldeira modifiée. Des images réalisées à huit mois d’intervalle montraient en effet que la bouche circulaire du volcan (caldeira) s’était développée de façon spectaculaire, probablement à cause d’un effondrement soudain. Sur Terre, de tels effondrements se produisent lorsque le magma se retrouve libéré.

Pour confirmer ses conclusions, le chercheur a fait appel à Scott Hensley, spécialiste des radars au Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA. Ce dernier a modélisé ce à quoi aurait dû ressembler une caldeira inchangée lors du deuxième passage de Magellan. Résultat : la structure aurait été différente de celle observée.

Être témoin de ces phénomènes pendant la courte période d’observation suggère soit que Magellan a eu une chance spectaculaire, soit que, comme la Terre, Vénus dispose encore de volcans en activité. Pour les chercheurs, le doute n’est plus permis. Ces changements de la caldeira sont une preuve sans équivoque d’une activité volcanique vénusienne. Nous pouvons donc exclure l’hypothèse d’une planète mourante.

Cette nouvelle découverte fait de Vénus le troisième corps planétaire du système solaire avec des volcans de magma actif, rejoignant la Terre et Io, la lune ardente de Jupiter.

Rappelons que trois nouvelles missions seront lancées en direction de Vénus au cours de la prochaine décennie : l’orbiteur européen EnVision et les missions américaines DAVINCI et VERITAS. EnVision et VERITAS seront toutes deux équipées d’une vision radar plus nette que Magellan. Ces vaisseaux pourraient donc faire des observations de meilleure qualité pour confirmer la nouvelle.