Vénus : des morceaux de croûte se tapent les uns contre les autres

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Crédits : Paul K. Byrne et Sean C. Solomon

Vénus pourrait être encore géologiquement active. Dans le cadre d’une récente étude, appuyée par des observations faites par la mission Magellan, des chercheurs ont identifié plusieurs morceaux de croûte visiblement déformés dans un passé récent. Ces travaux pourraient nous permettre d’en apprendre davantage sur la Terre primitive.

Longtemps relayée au second plan derrière Mars, Vénus va de nouveau revenir sur le devant de la scène. Il y a quelques semaines, la NASA annonçait en effet la retenue des missions DAVINCI+ et VERITAS – toutes deux finalistes du programme Discovery – dont les lancements sont prévus à la fin de la décennie. Plus récemment, l’Agence spatiale européenne (ESA) a également confirmé le développement de sa mission EnVision au cours de la même période.

Ces trois projets auront pour objectif de résoudre une véritable énigme planétaire. La Terre et Vénus ont la même taille, sont relativement proches et sont constituées de la même matière stellaire. Pourtant, ces deux mondes ont emprunté deux chemins différents. D’un côté la Terre est une oasis, d’un autre Vénus est un enfer parsemé d’acide. La question est : pourquoi ?

Une récente étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences pourrait nous livrer quelques éléments de réponse.

Une « banquise » en surface

Nous savons que le  visage de notre planète n’a cessé d’évoluer depuis sa formation au rythme du déplacement des plaques tectoniques, des sortes de gigantesques pièces de puzzle géologique. Vénus n’a de son côté pas de tectonique des plaques. En revanche, elle pourrait avoir développé une variante un peu étrange de ce processus.

Plus précisément, une équipe de chercheurs a constaté que la surface vénusienne était au moins en partie constituée de morceaux de croûte planétaire susceptibles de se heurter les uns aux autres, encore aujourd’hui, comme d’énormes morceaux de banquise pourraient le faire au-dessus d’une mer agitée.

Ce type d’activité, qui ne constitue pas une véritable tectonique des plaques, impliquerait près d’une soixantaine de morceaux de croûte appelés campi – « champs » en latin – et leur taille varie de la taille de l’Irlande à celle de l’Alaska, selon le Times.

«Nous avons identifié un modèle de déformation tectonique auparavant non reconnu sur Vénus, qui est entraîné par le mouvement intérieur tout comme sur Terre», explique Paul Byrne, planétologue à l’Université d’État de Caroline du Nord. «Bien que différent de la tectonique que nous voyons actuellement sur Terre, il s’agit toujours d’une preuve d’un mouvement intérieur exprimé à la surface de la planète».

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Une vue radar en fausses couleurs de 1 100 kilomètres de large de Lavinia Planitia, l’une des régions de plaine de Vénus. Les couleurs montrent où la croûte (lithosphère) se divise en structures. Les régions violettes sont les blocs et leurs divisions sont colorées en jaune. Crédits : Paul K. Byrne et Sean C. Solomon

Comprendre la jeune Terre

Cette nouvelle découverte est importante, dans la mesure où la chaleur intérieure à l’origine de cette activité géologique vénusienne semble similaire à celle développée sur Terre il y a environ 2,5 à 4 milliards d’années, souligne New Scientist. Si tel est effectivement le cas, cette Vénus « moderne » pourrait nous permettre d’en apprendre davantage sur la version primitive de la Terre.

Les résultats de ces travaux sont basés sur une réanalyse des images radar de la surface de Vénus capturées par la mission Magellan de la NASA, qui a terminé ses opérations en 2004. À l’époque, la sonde avait déployé un radar pour scruter l’atmosphère de la planète et cartographier sa surface. Sur ces images les chercheurs ont alors identifié les fameux « campi » mentionnées plus haut.

L’équipe a ensuite intégré ces observations et mesures du champ de gravité de Vénus dans un modèle informatique pour générer des scénarios géologiques susceptibles de produire ce qu’ils observaient. Ces travaux suggèrent que le mouvement du manteau fluide de la planète entraîne effectivement une déformation de sa surface sur Vénus.

Reste à savoir si ce processus est toujours en cours aujourd’hui. C’est à cette question (mais pas seulement) que devront répondre les futures missions en cours de développement. Si tel est le cas, alors Vénus serait bel et bien toujours géologiquement active.

Expliquer cet étrange « tempo tectonique » pourrait également être utile dans le cadre de la recherche exoplanétaire. Il existe en effet dans notre galaxie des milliards de mondes similaires au nôtre ou à Vénus dont l’évolution peut être guidée par la présence ou non de tectonique des plaques.