Vous voyez une veuve noire, ces lézards voient une collation

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Crédits : jgiammatteo/Pixabay

Les lézards alligator du sud de la Californie consomment des veuves noires comme vous pourriez manger du pop-corn, le tout sans être inquiétés par le venin très puissant de ces arachnides. Une expérience en laboratoire le prouve, suggérant que ces reptiles ont développé une immunité à leurs toxines.

Les veuves noires sont connues pour leur soie ultra-résistante. Des chercheurs ambitionnent d’ailleurs de comprendre le processus de la transformation des protéines impliquées dans le but de créer, à terme, des matériaux synthétiques aussi solides, permettant par exemple la construction de ponts.

Ces espèces, qui regroupent les araignées du genre Latrodectus, occupent également une place particulière dans l’imaginaire collectif en raison notamment de leur puissant venin (femelles uniquement). Ce venin rend en effet les morsures extrêmement douloureuses pour les humains, et mortelles pour les petits vertébrés.

Certains lézards, cependant, n’ont visiblement pas grand-chose à craindre, se délectant de ces araignées en Californie et dans d’autres États de l’ouest américain. Chris Feldman, de l’Université du Nevada à Reno, est depuis longtemps fasciné par cette apparente invulnérabilité. Et pour cause, bien que le venin de veuve soit inoffensif lorsqu’il est consommé, ces lézards sont très probablement mordus au moment de maîtriser leurs proies. Sont-ils vraiment immunisés ?

Avec son équipe, le Dr Feldman a tenté de répondre à cette question en menant quelques expériences. Leurs travaux sont publiés dans la Royal Society Open Science.

Cette étude impliquait trois espèces de lézards : un lézard-alligator du sud (Elgaria multicarinata), un lézard de clôture de l’Ouest (Sceloporus occidentalis) et un lézard à taches latérales (Anolis oculatus). Les deux premières espèces sont connues pour manger des veuves, tandis que la troisième se retrouve parfois mangée par les araignées, notamment lorsque les juvéniles se coincent malencontreusement dans leurs toiles.

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Un lézard alligator du sud (Elgaria multicarinata). Crédit : Robert W. Hansen

Un venin ? Quel venin ?

En laboratoire, les chercheurs ont injecté aux lézards du venin de veuve noire et les ont fait courir le long d’une petite piste de course pour voir si le venin affectait leur vitesse. Si le lézard à taches latérales a effectivement ralenti, montrant que le venin avait un certain effet, les deux autres n’ont montré aucun signe de changement. La dose de venin injectée était pourtant suffisante pour tuer cinq souris.

Les chercheurs ont ensuite examiné le tissu musculaire de leurs pattes. Chez les mammifères, le venin de veuve noire attaque en effet ces cellules, laissant un sillage de dommages autour de la morsure. Les lézards de clôture et ceux à taches latérales présentaient des signes de blessure musculaire et d’inflammation. En revanche, le muscle des lézards-alligators semblait complètement intact. Comme si le venin n’avait jamais été injecté.

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Une veuve noire. Crédits : AngeliasAtelier/Pixabay

Ces travaux suggèrent ainsi que ces lézards-alligators ont développé un moyen rapide de se protéger du venin des veuves. « Je suppose que ces reptiles ont peut-être quelque chose qui circule dans leur sérum – dans leur sang« , a déclaré le Dr Feldman.

Un tel composé pourrait neutraliser voire éliminer le venin avant qu’il ne cause des dommages. « Les couleuvres royales de Californie, qui mangent occasionnellement des serpents à sonnette, ont développé une telle défense« , ajoute le chercheur. « Ils ont ces protéines géantes dans leur sang qui se lient aux protéines du venin, ce qui le rend inoffensif« .

Quel que soit le système de défense de ce lézard, il est sans doute le résultat de sa longue histoire avec les veuves noires. Les deux espèces fréquentent en effet le même environnement depuis très longtemps. Pour en savoir plus, les chercheurs devront probablement attendre que son génome soit séquencé.