Comment le petit royaume du Bhoutan a réussi à vacciner sa population

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Vaccination d'un habitant du district de Pema Gatshel. Crédits : Ministère de la Santé du Bhoutan

Bordant l’extrême ouest de la Chine, la région de Lunana, au Bhoutan, abrite certains des plus hauts sommets du monde. Accessoirement, la région est inaccessible en voiture. Pourtant, la plupart de ses habitants ont déjà reçu leur première dose de vaccin contre le coronavirus.

Samedi, le royaume bouddhiste du Bhoutan avait administré une première dose de vaccin AstraZeneca à plus de 478 000 personnes, soit plus de 60% de sa population, dont plus de 93% des adultes éligibles. Ce taux de vaccination était alors le sixième plus élevé au monde, supérieur à celui de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Notez que toutes ces doses ont été offertes par le gouvernement indien où le sérum est fabriqué.

La grande majorité de ces premières doses ont été administrées dans environ 1 200 centres de vaccination en une semaine, fin mars/début avril. Le Bhoutan avait attendu de recevoir toutes ses doses avant de commencer à proposer les premières injections. Mais comment faire pour atteindre la région de Lunana ?

Un vrai défi

Bordant l’extrême ouest de la Chine, la région ponctuée de lacs glaciaires et autres sommets himalayens est en effet inaccessible en voiture. Pour atteindre cette population isolée du reste du monde, un corps de huit volontaires connus sous le nom de Gardiens de la paix qui opèrent sous l’autorité du roi du Bhoutan Jigme Khesar Namgyel Wangchuck s’est rendu sur place en hélicoptère.

Les agents de santé ont ensuite marché de village en village à travers la neige et la glace équipés de leurs vaccins, de tentes et de réservoirs d’oxygène. Pour gagner du temps, l’équipe administrait les vaccins le jour et se déplaçait entre les villages durant la nuit (dix à quatorze heures de marche à chaque fois). À plusieurs reprises, les tentes ont été saccagées par des yacks.

Outre les dégâts causés par ces ruminants de l’Himalaya, les agents de santé ont également dû composer avec certains villageois trop occupés à récolter de l’orge ou trop inquiets en raison des possibles effets secondaires liés au vaccin. Finalement, tout s’est parfaitement déroulé.

« Je me suis fait vacciner en premier pour prouver à mes compatriotes que le vaccin ne cause pas la mort et est sûr à prendre« , explique au New York Times Pema, le chef de village de Lunana. « Après cela, tout le monde ici a pris sa première injection« .

Les vaccinations ont eu lieu dans les treize colonies de la région. À la mi-avril, 464 des quelque 800 habitants de Lunana avaient reçu leur première dose.

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Un rituel bouddhiste avec des doses de vaccin est arrivé à Lhuntse, au Bhoutan, sur une image publiée sur Facebook par le ministère de la Santé du pays. Crédits : Ministère de la Santé du Bhoutan

Prévenir les risques d’emballement

Cette campagne de vaccination « silencieuse », opérée dans l’un des pays les plus pauvres d’Asie, était nécessaire.

Les soins de santé y sont gratuits, mais le système n’est pas « autosuffisant ». Les patients qui ont besoin de traitements coûteux ou sophistiqués sont en effet souvent envoyés en Inde ou en Thaïlande aux frais du gouvernement, d’après le Dr Yot Teerawattananon, économiste thaïlandais de la santé à l’Université nationale de Singapour.

Un comité gouvernemental se réunit alors une fois par semaine pour prendre des décisions sur les patients à envoyer ou non à l’étranger. Généralement, le comité se concentre sur la chirurgie cérébrale et cardiaque, les greffes de rein et le traitement du cancer.

Toutefois, le médecin estime qu’un petit pays comme le Bhoutan n’aurait pas pu faire face à une flambée de cas graves de Covid. C’est pourquoi l’accent a été mis sur la vaccination.

En plus de cette campagne, les frontières du royaume sont fermées depuis un an à quelques exceptions près et quiconque entre dans le pays doit être mis en quarantaine pendant 21 jours. Pour l’heure, le Bhoutan a signalé moins de mille infections au Covid-19 et rapporté qu’un seul décès.

Le gouvernement prévoit d’administrer les secondes doses environ huit à douze semaines après le premier cycle, conformément aux lignes directrices de l’Université d’Oxford qui a développé le sérum.