Particulièrement agressif, le cancer du poumon est l’un des cancers les plus meurtriers avec des taux de survie moyens à cinq ans très réduits. C’est aussi l’un des plus répandus en France puisqu’il se hisse à la troisième place en termes de prévalence. Et si des avancées sont sans cesse réalisées, la recherche scientifique continue inlassablement sa quête de nouveaux traitements prometteurs pour compléter l’arsenal contre cette maladie difficile (déjà composé de chirurgie, de rayons et de chimiothérapie). L’immunothérapie, qui se base sur notre propre système immunitaire, s’impose en la matière comme une piste prometteuse comme le prouve un vaccin contre un cancer du poumon qui est déjà en phase de test.
Contrairement aux vaccins prophylactiques (ou plus simplement préventifs) dont nous avons l’habitude, ce vaccin vise à traiter le cancer du poumon et être administré à des patients cancéreux à des stades précoces ou avancés de la maladie. Toutefois, le principe se rapproche fortement de celui de la vaccination. En effet, ce traitement présente des antigènes proches des protéines que l’on retrouve au sein des tumeurs cancéreuses. Une fois entré en action, il va permettre d’éduquer et de renforcer le système immunitaire de l’organisme en aidant les lymphocytes T à reconnaître les cellules malignes pour contribuer à leur élimination plus efficace sans affecter les cellules saines.
« La force de notre approche réside dans le fait que le traitement est hautement ciblé sur les cellules cancéreuses. Nous espérons ainsi pouvoir montrer à terme que le traitement est efficace contre le cancer du poumon tout en laissant les autres tissus intacts », résume ainsi la Dr Sarah Benafif qui mène l’étude.
Un vaccin contre le cancer du poumon
Pour opérer, ce vaccin appelé BNT116 utilise la même technologie à ARNm qu’une partie des vaccins contre la Covid-19 en ciblant plus particulièrement les marqueurs tumoraux du cancer du poumon “non à petites cellules”. Or, ce dernier représente 85 % des cas de cancer pulmonaire (contre environ 15 % pour les cancers du poumon “à petites cellules”, plus agressifs, mais donc également plus rares).
Et d’après les résultats publiés par le passé dans la revue Annals of Oncology, ce vaccin thérapeutique pourrait être prometteur. S’il ne s’accompagne certes que d’un gain de survie moyen d’environ trois mois et demi chez les patients résistant aux traitements, la start-up nantaise qui en est à l’origine a observé une réduction de 41 % du risque de décès à un an chez des malades souffrant d’un cancer du poumon résistant avec métastases par rapport au traitement par chimiothérapie habituel au terme d’un essai clinique de phase 3.
Des tests cruciaux menés dans sept pays
Avant de devenir accessible pour tous les malades, ce vaccin va devoir encore subir une série de tests. Dans cet esprit, des essais cliniques viennent d’être lancés à travers sept pays (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Pologne, Hongrie, États-Unis et Turquie) sur 34 sites de recherche et auprès d’environ 130 patients à différents stades de la maladie.
Dans son interview avec le Guardian, le Dr Siow Ming Lee, l’oncologue et consultant à l’University College London hospitals NHS foundation trust (UCLH) qui va diriger l’essai au Royaume-Uni se montre très encourageant sur ce traitement qui en est encore à un stade précoce de développement. Il indique en effet qu’il « s’agit d’un traitement simple qui permet de sélectionner des antigènes spécifiques dans la cellule cancéreuse, puis de les cibler » et qui représenterait ainsi « la prochaine grande phase du traitement du cancer ». « Nous espérons que cet essai permettra d’améliorer encore les résultats pour les patients atteints de CPNPC, qu’ils soient à un stade précoce ou avancé », surenchérit-il.
Surtout, ces essais seront cruciaux pour « établir le profil de sécurité et une dose sûre pour le BNT116 en monothérapie, ainsi que pour le BNT116 en combinaison avec le cémiplimab ou le docétaxel » pour les patients cancéreux dont la maladie est à un stade avancé, métastasée ou impossible à traiter par chirurgie.

Un patient teste déjà ce vaccin thérapeutique au Royaume-Uni
Janusz Racz, un Londonien de 67 ans diagnostiqué du cancer en mai dernier déjà sous chimiothérapie et radiothérapie, est le tout premier patient à avoir reçu ce traitement expérimental. « En tant que scientifique, je sais que la science ne peut progresser que si les gens acceptent de participer à des programmes comme celui-ci. Je travaille dans le domaine de l’intelligence artificielle et je suis prêt à essayer de nouvelles choses. Ma famille a également fait des recherches sur l’essai et m’a encouragé à y participer », explique-t-il. Depuis, il a déjà reçu six injections consécutives à cinq minutes d’intervalle pendant une période de trente minutes. Il recevra ainsi cette injection chaque semaine durant six semaines, puis toutes les trois semaines pendant 54 semaines.
Si les résultats à travers les différents pays s’avèrent concluants, les chercheurs passeront aux phases 2 et 3 de l’essai qui viseront cette fois à généraliser le traitement à échelle mondiale avec l’espoir que, combiné avec les traitements actuels, il aidera à améliorer significativement le taux de survie du cancer du poumon, aujourd’hui toujours relativement mauvais.
Dame Cally Palmer, la directrice nationale de la lutte contre le cancer au sein du NHS England, rappelle qu’un « diagnostic de cancer est très inquiétant, mais l’accès à des essais révolutionnaires ainsi qu’à d’autres innovations permettant de diagnostiquer et de traiter les cancers plus tôt donne de l’espoir ». Et d’ajouter : « nous espérons voir des milliers de patients supplémentaires participer à des essais au cours des prochaines années ».