L’univers tout entier est-il voué à s’évaporer ?

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Crédits : Pitris/istock

En 1974, Stephen Hawking proposa que les trous noirs finiront par s’évaporer à cause d’un drainage progressif de leur énergie emportée par des particules légères. Une mise à jour récente de cette théorie suggère aujourd’hui que ce processus n’est pas seulement l’apanage des trous noirs. Tous les objets ayant une masse suffisante pourraient en réalité être concernés. Si tel est le cas, alors cela signifie que tout dans l’univers finira un jour par « s’évaporer ». Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Physical Review Letters.

Le rayonnement de Hawking et l’évaporation des trous noirs

Décédé en 2018 à Cambridge, en Angleterre, Stephen Hawking est un physicien-théoricien renommé surtout connu pour ses travaux sur les trous noirs. Il est notamment à l’origine de la découverte que des particules virtuelles apparaissent constamment à proximité de la limite de l’horizon d’un trou noir (le point gravitationnel de non-retour au-delà duquel rien ne peut s’échapper).

Habituellement, ces particules s’annulent immédiatement. Cependant, en raison d’effets quantiques, il est possible que l’une de ces particules soit piégée dans l’horizon d’un trou noir, tandis que l’autre s’échappe. Ce processus conduit à une émission de rayonnement à partir du trou noir. C’est pourquoi il est nommé « rayonnement de Hawking ».

Cette particule échappée porte avec elle une petite quantité d’énergie. Sur une vaste échelle de temps (plus longue que l’âge actuel de l’univers), cette émission de particules conduirait à une diminution de la masse du trou noir, ce qui suggère qu’il pourrait finalement s’évaporer complètement.

Cependant, si un champ gravitationnel est tout ce qui est nécessaire pour produire ce genre de processus, qu’est-ce qui empêche tout objet ayant une masse de déformation spatio-temporelle de créer aussi un rayonnement de Hawking ? Ce rayonnement a-t-il nécessairement besoin de l’horizon des événements des trous noirs ou peut-il être produit n’importe où dans l’espace ? Pour tenter de répondre à ces questions, des physiciens ont récemment analysé le rayonnement Hawking à travers le prisme d’un processus prédit depuis longtemps appelé effet Schwinger.

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Une image du trou noir M87*. Crédits : Medeiros et coll. 2023

Une sombre prédiction

Dans le vide quantique, des paires éphémères de particules virtuelles et antiparticules virtuelles apparaissent et disparaissent constamment. Elles se manifestent brièvement, puis s’annihilent. Cependant, ces paires virtuelles peuvent être « séparées » et donner naissance à des particules réelles observables en présence d’un champ électromagnétique intense. On parle alors d’effet Schwinger, nommé d’après le physicien Julian Schwinger.

Pour mieux visualiser le concept, imaginez un champ électromagnétique intense avec un champ électrique qui oscille rapidement. À mesure que l’intensité du champ électrique dépasse une certaine valeur critique, appelée le champ critique de Schwinger, les particules virtuelles peuvent être « tirées » du vide quantique, formant une paire particule-antiparticule réelle pouvant ensuite être détectée expérimentalement.

En appliquant le cadre de cet effet à la théorie de Hawking, les physiciens ont alors produit un modèle mathématique qui reproduisait le rayonnement de Hawking dans des espaces connaissant une gamme d’intensités de champ gravitationnel. Selon leur théorie, un horizon d’événements ne serait donc pas nécessaire pour que l’énergie s’échappe lentement d’un objet massif sous forme de lumière. Le champ gravitationnel de l’objet (et donc la courbure de l’espace-temps qu’il implique) serait en effet suffisant à lui seul.

« Cela signifie que les objets sans horizon des événements ont également cette sorte de rayonnement« , résume ainsi Heino Falcke, de l’Université Radboud (Pays-Bas). « Et après une très longue période, cela conduirait à l’évaporation de tout dans l’univers, tout comme les trous noirs. Cela change non seulement notre compréhension du rayonnement de Hawking, mais aussi notre vision de l’univers et de son avenir.« 

Naturellement, tout cela n’est pour l’heure que spéculation. Pour déterminer s’il s’agit d’une véritable prédiction du destin de notre univers, les physiciens devront repérer certains rayonnements de Hawking produits autour d’objets gravitationnellement denses autres que des trous noirs.