Une tribu d’Amazonie antibio-rĂ©sistante intrigue les chercheurs

Crédits : Cmacauley / Wikimedia Commons

Des chercheurs ont dĂ©couvert qu’une tribu isolĂ©e vivant dans la forĂªt amazonienne du Venezuela prĂ©sente une grande rĂ©sistance aux antibiotiques. Elle n’a pourtant quasiment jamais Ă©tĂ© en contact avec le monde extĂ©rieur.

Ce n’est qu’en 2008 qu’a Ă©tĂ© repĂ©rĂ©e ce village d’un groupe de Yanomami, isolĂ© et vivant dans les montagnes reculĂ©es de la jungle amazonienne du Venezuela. En 2009 eut lieu le premier contact avec les membres de cette tribu, lorsqu’une Ă©quipe mĂ©dicale dirigĂ©e par Maria Dominguez-Bello, microbiologiste de l’universitĂ© de New York, s’y est rendue pour rencontrer les 54 chasseurs-cueilleurs qui peuplent la tribu.

Des prĂ©lèvements de salive, de peau et de selles ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s sur 34 des membres, et après analyse des Ă©chantillons, il est rĂ©vĂ©lĂ© que les Yanomami ont un microbiome beaucoup plus variĂ© que celui des communautĂ©s rurales gĂ©ographiquement proches, comme au Venezuela ou au Malawi. « Ce microbiome est mĂªme deux fois plus diversifié que celui observĂ© dans un groupe tĂ©moin de Nord-AmĂ©ricains », est-il expliquĂ© dans l’étude publiĂ©e dans la revue Science Advances.

« Ce résultat n’est pas surprenant puisque la variété du microbiome diminue lorsque l’on mange de la nourriture industrielle, lorsque l’on prend des antibiotiques, ou encore lorsque l’on se lave les mains avec du gel antibactérien », expliquent les scientifiques.

Les Yanomami sont en très bonne santĂ©, probablement grĂ¢ce Ă  ce microbiome qui « contient peut-Ăªtre les plus hauts niveaux de diversitĂ© de bactĂ©ries jamais observĂ©s dans un groupe humain ». Aucun cas d’obĂ©sitĂ© ou de malnutrition n’a Ă©tĂ© observĂ© parmi les membres de la tribu qui se nourrissent de poissons, de grenouilles, d’insectes, de bananes et d’une boisson au melon fermentĂ©.

Des gènes 30 fois plus résistants aux antibiotiques

Les membres de cette tribu qui n’ont jamais pris d’antibiotiques ou encore mangĂ© d’animaux Ă©levĂ©s aux mĂ©dicaments ont des gènes 30 fois plus rĂ©sistants aux antibiotiques que la moyenne. Certains gènes rendent mĂªme les mĂ©dicaments inefficaces. « Une demi-douzaine de gènes pouvaient mĂªme inactiver des mĂ©dicaments modernes », expliquent les chercheurs.

« C’est une preuve de plus que la rĂ©sistance aux antibiotiques est une caractĂ©ristique naturelle du microbiome humain, mais qu’il est prĂªt Ă  Ăªtre activĂ© et amplifiĂ© pour une plus grande rĂ©sistance après avoir utilisĂ© des antibiotiques », explique l’un des auteurs. Les bactĂ©ries intestinales des Yanomami auraient selon les chercheurs Ă©voluĂ© pour lutter contre un grand nombre de toxines prĂ©sentes dans leur environnement, et dont la structure molĂ©culaire est probablement semblable Ă  celle des antibiotiques utilisĂ©s en mĂ©decine moderne.

Dans la revue Science, Christina Warinner, anthropologue de l’université de l’Oklahoma commente que cette découverte « suggère que la résistance aux antibiotiques est ancienne, diverse, et étonnamment répandue dans la nature ». Les auteurs concluent : « Cette étude souligne le besoin de développer la recherche vers de nouveaux antibiotiques parce que sinon, nous allons perdre la bataille contre les maladies infectieuses ».

Sources : scienceadvances, letelegramme

– Illustration principale : © Fiona Watson/Survival