Des mesures inédites appuient l’hypothèse selon laquelle le réchauffement des sols de forêts tropicales entraînerait une libération considérable de CO2 vers l’atmosphère. Un cercle vicieux qui repose en grande partie sur une modulation de la physiologie microbienne lorsque la température du substrat s’élève.
Avec le changement climatique, on s’attend à ce qu’une fraction notable du carbone actuellement contenu dans les sols soit libérée dans l’atmosphère. Le réchauffement global – dont on rappelle qu’il est notamment dû aux rejets anthropiques de CO2 – participerait ainsi à son propre renforcement. Toutefois, l’ampleur de cette boucle de rétroaction positive est encore mal caractérisée. Et donc mal évaluée dans les projections futures.
Des mesures in situ pour évaluer la réponse des sols au réchauffement
Un papier paru dans Ecology Letters le 6 septembre 2019 vient apporter un éclairage à propos de ces incertitudes. Les auteurs se sont concentrés sur la réaction des sols de forêts tropicales étant donné l’absence de données empiriques à leur égard. Un déficit d’information critique quand on sait qu’ils renferment 1/3 du carbone total contenu dans les sols terrestres. Leur influence sur le cycle du carbone est donc majeure.
Pour estimer les effets d’une variation thermique dans des conditions aussi réalistes que possible, les chercheurs ont utilisé une astuce. Grâce à des carottiers, ils ont extrait des échantillons de sols à 4 sites dans les Andes péruviennes. Puis, ils en ont déplacé certains vers des altitudes plus élevées et d’autres vers des altitudes plus basses. Autrement dit, vers des climats plus froids ou plus chauds respectivement.
Au final, c’est un dénivelé de 3000 mètres qui a été couvert. Il concrétise une variation thermique de ± 15 degrés. L’expérience s’est déroulée de façon progressive sur plusieurs années. Il était alors devenu possible d’établir une relation entre température, variation du contenu en carbone du sol prélevé et physiologie microbienne.
Hausse de l’activité microbienne et émission de CO2
« Notre étude montre clairement que le réchauffement planétaire est susceptible de créer une puissante boucle de rétroaction positive. Ceci car les microbes et les enzymes qu’ils synthétisent rejettent encore plus de carbone vers l’atmosphère quand ils prospèrent dans des conditions plus chaudes », explique Andrew T. Nottingham, auteur principal de l’étude.
En effet, l’activité microbienne est un élément déterminant – mais incertain – dans la problématique abordée. Or, les résultats obtenus confirment que celle-ci devient rapidement plus efficace à décomposer la matière organique lorsque la température augmente. Plus de dioxygène est consommé et donc plus de CO2 est rejeté. Aussi, la perte en carbone des sols est quantifiée à 4 % par degré de réchauffement. À terme, ces nouvelles données permettront de mieux contraindre les modèles de cycle du carbone. Et donc de réduire les incertitudes des projections futures.
« Si l’on se fit aux prévisions actuelles d’augmentation des températures mondiales de 4 à 8 degrés, les sols tropicaux pourraient entraîner une augmentation d’environ 9% du CO2 atmosphérique au cours de ce siècle », rapporte Andrew T. Nottingham.
Articles liés :