Une puce qui utilise la lumière pour stocker des données de manière permanente

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Une puce qui utilise des photons plutôt que des électrons pour stocker des données de manière permanente. Une découverte prometteuse qui permet d’améliorer la puissance des CPU, mais également la capacité du stockage dans le futur.

Les puces électroniques actuelles sont très rapides. Mais ces puces ressembleraient à des charriots à bœufs comparés à une version alternative qui utilise et déplace les données avec des photons au lieu d’utiliser des électrons. Les puces actuelles se basent uniquement sur des électrons et une équipe de chercheur annonce qu’elle a créé la première mémoire optique sur une puce.

« Je suis très positif concernant ces travaux », déclare Valerio Pruneri, un physicien en laser à l’Institute of Photonic Sciences à Barcelone. « C’est une belle démonstration d’un nouveau concept. » On s’intéresse aux puces photoniques depuis des années et il est facile d’en comprendre la raison. Quand des électrons se déplacent dans les composants d’une puce électronique d’un ordinateur pour manipuler et déplacer les données, ces électrons s’entrechoquent les uns aux autres. Cela ralentit le transfert et génère de la chaleur et c’est pourquoi on est obligé d’utiliser des ventilateurs et des radiateurs pour refroidir constamment les CPU et les GPU.

Mais on n’a plus ce problème avec des photons qui peuvent voyager sans aucune résistance à la vitesse de la lumière. Les chercheurs ont déjà créé des puces avec des photons où ce sont des lignes optiques qui remplacent les fils électriques et les circuits optiques de mémoire. Mais on avait de sérieux inconvénients. Les circuits de mémoire pouvaient stocker des données uniquement s’ils étaient alimentés en permanence. Et donc, si on éteignait un ordinateur avec des mémoires photoniques, alors toutes les données étaient perdues.

Désormais, des chercheurs menés par Harish Bhaskaran — un expert en nanoingénierie de l’université d’Oxford et l’ingénieur en électronique — ont une solution pour contrer la perte de mémoire, qui se base sur un matériau présent dans les CD et les DVD réinscriptibles. Ce matériau qu’on connait comme le GST est une fiche couche d’alliage de germanium, d’antimoine et de tellure. Quand ce matériau est bombardé par un laser, le film GST change sa structure atomique passant d’un réseau cristallin à une sorte d’enchevêtrement amorphe. Ces 2 structures reflètent la lumière de différentes manières et les CD et DVD utilisent cette différence pour écrire les données. Pour lire les données, qui sont stockées comme des patterns de petits points avec un ordre cristallin ou amorphe, le lecteur CD ou DVD utilise un laser de faible intensité sur le disque et traque la manière dont la lumière réagit.

Dans leurs travaux avec le GST, les chercheurs ont noté que le matériau affecte non seulement la manière dont la lumière se réfléchit sur le film, mais également la manière dont elle est absorbée. Avec un matériau transparent en dessous du film GST, les points avec un ordre cristallin ont absorbé plus de lumière que la structure amorphe.

Ensuite, les chercheurs se sont demandé s’ils pouvaient utiliser cette propriété pour stocker et lire des données de manière permanente. Ils ont utilisé une technologie standard de fabrication de puce afin d’équiper une puce avec un appareil de nitrure de silicium qu’on connait comme un guide à ondes. Ce dernier contient et transfère des pulsations de lumière. Ensuite, ils ont placé un patch GST d’une dimension nano au-dessus de ce guide à ondes. La haute intensité du champ électromagnétique de la lumière a fondu le GST en transformant son réseau cristallin en structure amorphe. Mais une intensité plus faible permettait d’inverser le matériau à son état original de réseau cristallin.

Quand les chercheurs ont voulu lire les données, ils ont envoyé de faibles pulsations de lumière et ils ont mesuré la quantité de lumière qui était transmise dans le guide à ondes. Si une petite quantité de lumière était absorbée, alors ils savaient que leurs données sur le GST avaient un ordre amorphe. Et si c’était une grande quantité, alors c’était une structure cristalline.

Bhaskaran, Percine et leurs collègues ont également augmenté la quantité de données qu’ils pouvaient lire et écrire. En premier lieu, ils ont envoyé plusieurs longueurs d’onde de lumière à travers le guide à ondes en même temps. Cela leur a permis d’écrire et lire les données simultanément et c’est une chose qu’on ne peut pas faire avec les appareils de stockage électriques. Et en rapportant leurs travaux dans la revue Nature Photonics (https://dx.doi.org/10.1038/nphoton.2015.182), ils ont déclaré « qu’en variant l’intensité des pulsations pour écrire des données, (ils) ont été capables de contrôler la quantité de GST qui se transforme en structure cristalline ou amorphe à n’importe quel moment. » Avec cette méthode, ils pouvaient faire en sorte que le patch soit amorphe à 90 % et cristallin à 10 %. Dans une autre méthode, le ratio était de 80 % pour l’ordre amorphe et 20 % pour le réseau cristallin. Et ils ont pu utiliser 8 combinaisons possibles pour stocker les données. C’est assez impressionnant puisqu’actuellement, on peut uniquement stocker les données de manière binaire avec des 1 et des 0 qui sont soit cristallins ou amorphes 100 % du temps. Cela permet d’augmenter drastiquement les données qu’on peut stocker sur un support selon Bhaskaran.

Les mémoires photoniques devront faire beaucoup de progrès si elles veulent rivaliser avec leurs homologues électroniques. Au minimum, leur densité de stockage devra s’améliorer pour être compétitive. Mais au final, selon Bhaskaran, si on peut intégrer une mémoire photonique avancée avec une logique et des interconnexions photoniques, alors les puces pourraient être plus rapides de 50 à 100 fois par rapport à nos processeurs actuels.

Par Jacqueline Charpentier avec Actualités Houssenia Writing