À la fin des années 1990 au Royaume-Uni, un psychiatre a retranscrit un cas clinique hors du commun. Une femme entendait une voix dans sa tête, dont les « conseils » ont permis de diagnostiquer et traiter un énorme méningiome entre les deux hémisphères du cerveau.
Des voix bienveillantes
Née en Europe continentale dans les années 1940, la dénommée AB part s’installer à Londres (Royaume-Uni) deux décennies plus tard. Sa santé ne pose aucun problème jusqu’à un jour de 1984. Une voix dans sa tête la surprend alors qu’elle est en train de lire : « S’il te plaît, ne sois pas effrayée. Je sais que cela peut être choquant pour toi de m’entendre te parler ainsi, mais c’est le moyen le plus simple que j’ai trouvé. Mon ami et moi travaillons au Children’s Hospital sur Ormont Street et nous voulons t’aider. «
Dans un premier temps, AB est perturbée. Elle connaît l’hôpital en question – un établissement pour enfants – mais ne s’y est jamais rendue auparavant. De plus, elle n’a pas d’enfants et n’a donc aucune raison valable d’y aller. Toutefois, une autre voix s’exprime à son tour : « Pour te prouver que nous sommes sincères, nous aimerions que tu vérifies les trois informations suivantes. » Après vérification, AB se rend compte que les voix disaient vrai, en plus d’être bienveillantes à son égard.
Complètement sous le choc, AB pense perdre la raison et consulte un spécialiste. À l’Adult Mental Health Unit du NHS de Londres, le Dr. Ikechukwu Obialo Azuonye la prend en charge et lui diagnostique une psychose hallucinatoire fonctionnelle, comme en témoigne une publication dans le British Medical Journal (BMJ) de décembre 1997.
Un mystère encore entier
Le docteur prescrit à AB de la thioridazine, un antipsychotique habituellement utilisé pour traiter la schizophrénie. Durant quelques semaines, les voix disparaissent et AB semble soulagée. Néanmoins, lors de vacances en famille, les voix reviennent et la supplient de revenir à Londres. La raison évoquée est que quelque chose va mal et que des soins médicaux sont nécessaires. Les voix donnent même une adresse à AB, menant jusqu’au département d’imagerie médicale d’un hôpital de Londres.
De retour chez le psychiatre, AB est en pleine détresse et explique au spécialiste que les voix dans sa tête lui indiquent la présence d’une tumeur cérébrale. Le psychiatre insiste pour qu’AB passe un scanner et, finalement, l’examen donnera raison aux fameuses voix. Le scanner révèle en effet la présence d’un méningiome de 6×3 cm au niveau du « flax cerebri », une membrane séparant les deux hémisphères du cerveau. Après l’opération, AB raconte avoir entendu les voix une toute dernière fois : « Nous avons été heureuses de t’aider. Au revoir. »
Plus tard, le cas d’AB est présenté lors d’une conférence portant sur les troubles psychiatriques. Mais les professionnels du domaine ne parviennent pas à se mettre d’accord sur son cas. Certains pensent à un cas de télépathie avec deux personnes qui savaient qu’AB avait une tumeur. D’autres estiment qu’il s’agit d’un mensonge, que la patiente était déjà consciente de son problème et qu’elle avait déménagé au Royaume-Uni pour se faire soigner gratuitement. D’autres encore pensent qu’AB avait senti quelque chose d’anormal dans sa tête et que des hallucinations auditives sont apparues, matérialisant la peur d’AB.
Dans tous les cas, le psychiatre qui a suivi la patiente est certain d’une chose : le fait que les symptômes psychiatriques d’AB ont disparu après l’opération prouve qu’il existait un lien entre ces mêmes symptômes et la tumeur.