Une partie du Groenland serait sur le point de basculer, alerte une nouvelle étude

Groenland glacier
Crédits : Nik Gaffney / Flickr.

Une nouvelle étude parue dans la revue PNAS indique qu’un pan de l’inlandsis du Groenland aurait commencé à se déstabiliser. La probabilité de franchir un point de non-retour et d’enclencher un emballement régional de la fonte est donc plus que jamais d’actualité. Ces résultats ont des implications majeures pour l’élévation du niveau des mers et le ralentissement de la circulation océanique en Atlantique nord.

Diverses évaluations théoriques de stabilité des calottes glaciaires indiquent que l’inlandsis groenlandais est, dans sa configuration actuelle, proche d’atteindre un point de bascule. Autrement dit, il atteint un niveau de réchauffement à partir duquel la perte de masse de la calotte s’accéléra brutalement et de façon irréversible aux échelles de temps qui nous concernent.

Quand les variations d’altitude mènent la danse

Un des mécanismes principaux de cet emballement porte le nom de rétroaction fonte-altitude. Il  s’articule de la façon suivante : lorsque la température de l’environnement augmente, l’inlandsis fond et perd de l’altitude, en particulier sur ses marges. Ce faisant, la surface glaciaire est déportée à des altitudes plus basses où la température est plus élevée. La fonte accélère alors en conséquence, amenant l’altitude de l’inlandsis à un niveau encore plus bas et l’exposant à un environnement encore plus chaud, etc.

Le processus ne s’arrête que lorsque l’inlandsis atteint une configuration potentiellement très différente en équilibre avec les nouvelles conditions climatiques. Les pertes par fonte et vêlage se voient alors à nouveau équilibrées par le regel et la neige qui précipite sur la calotte. Il va sans dire qu’avec un climat très nettement plus chaud, l’équilibre peut s’exprimer une absence totale de calotte glaciaire au Groenland. Cela équivaut, on le rappelle, à une élévation avoisinant sept mètres de niveau marin.

Groenland
Représentation schématique de la rétroaction fonte-altitude. La neige s’accumule sur le sommet de la calotte (a) comme sur le sommet d’une montagne (b). Ailleurs, celle-ci fond durant l’été. Par conséquent, lorsque la calotte perd en altitude (c) l’accumulation diminue tandis que les pertes par fonte et vêlage augmentent. Crédits : TiPES / HP.

Groenland : mise en évidence d’un début de déstabilisation

Or, des données récemment récoltées au centre-ouest de l’inlandsis montrent qu’une telle transition est actuellement en train de se jouer, au moins sur cette partie de la calotte. Une déstabilisation mise en exergue par l’analyse d’échantillons de glace prélevés dans le bassin de drainage du glacier Jakobshavn Isbræ, l’un des cinq plus grands de l’inlandsis. Avec l’aide de simulations numériques, les scientifiques ont ainsi pu retranscrire le taux de fonte et les changements d’altitude régionaux sur les 140 dernières années. Autrement dit, cela remonte à 1880.

« Nous assistons peut-être au début d’une déstabilisation de grande échelle, mais pour le moment, nous ne pouvons pas le dire, malheureusement », évoque Niklas Boers, auteur principal du papier. « Jusqu’à présent, les signaux que nous voyons ne sont que régionaux, mais cela pourrait tout simplement être dû à la rareté des données précises et de long terme pour les autres parties de la calotte glaciaire ».

Les scientifiques expliquent que dans la zone d’étude, la bascule arrive après un siècle de fonte croissante. En effet, l’altitude de la glace est désormais si basse qu’il n’est plus possible d’enrayer le phénomène, même en stabilisant le climat. La question est maintenant de savoir dans quelle mesure ces résultats sont représentatifs ou non de la stabilité du reste de l’inlandsis. « Nous devons également surveiller de plus près les autres parties de la calotte glaciaire du Groenland, et nous devons de toute urgence mieux comprendre comment différentes rétroactions positives et négatives pourraient s’équilibrer pour avoir une meilleure idée de l’évolution future de la calotte », note N. Boers.