Une équipe de chirurgiens de la Cleveland Clinic a réalisé une prouesse médicale inédite : remplacer une valve cardiaque par une simple incision au niveau du cou, à l’aide d’un robot chirurgical. Cette avancée ouvre la voie à une nouvelle ère pour la chirurgie cardiaque, plus douce, plus rapide et potentiellement moins risquée.
Une première mondiale qui pourrait redéfinir la chirurgie cardiaque
Jusqu’ici, remplacer une valve aortique impliquait une opération lourde : la sternotomie, c’est-à-dire l’ouverture du thorax en deux. Bien que des techniques mini-invasives existent, elles restent traumatisantes et nécessitent des temps de récupération longs. Désormais, une nouvelle approche vient bouleverser ces pratiques établies.
À la Cleveland Clinic, aux États-Unis, le Dr Marijan Koprivanac et son équipe ont mis au point une méthode inédite : le remplacement de valve aortique (AVR) par voie transcervicale robotisée. Autrement dit, l’intervention est réalisée en passant par une petite incision au niveau du cou, évitant toute ouverture du sternum. Cette première a été réalisée sur quatre patients avec des résultats très encourageants.
Une technique inspirée d’autres pratiques, adaptée au cœur
Cette nouvelle procédure s’appuie sur l’expérience du Dr Koprivanac en thymectomie transcervicale robotique, une intervention utilisée pour retirer le thymus en passant également par le cou. L’équipe a adapté cette approche au remplacement de la valve aortique, l’une des zones les plus délicates du cœur.
Avant de la proposer à de vrais patients, les chirurgiens ont mené de nombreux essais sur des cadavres, perfectionnant les gestes, les instruments, et les accès. Ils ont notamment développé un écarteur transcervical sur mesure, permettant d’accéder avec précision à la valve malade.
Le robot chirurgical, introduit par quatre petites incisions le long d’un pli naturel du cou, offre une visualisation et une précision inégalées. Il permet aux chirurgiens de retirer la valve défaillante et d’implanter une prothèse sans avoir à ouvrir la poitrine.
Une récupération accélérée et une douleur minimale
L’un des principaux avantages de cette méthode réside dans sa récupération exceptionnellement rapide. Les quatre patients opérés ont pu quitter l’hôpital après seulement trois à six jours. L’un d’eux a même repris la course à pied une semaine après l’opération. Un autre est retourné à ses activités agricoles moins de trois semaines plus tard.
Contrairement à la sternotomie, souvent douloureuse et invalidante pendant plusieurs semaines, la douleur post-opératoire ici a été décrite comme légère, contrôlée avec des médicaments simples comme le paracétamol ou l’ibuprofène.


Un temps opératoire encore perfectible
Lors de ces premières interventions, le temps de clampage aortique, c’est-à-dire la durée pendant laquelle la circulation sanguine est interrompue au niveau de la valve, a été en moyenne de 140 minutes. C’est plus long que pour une AVR classique, mais l’équipe prévoit de réduire ce délai avec l’expérience et des ajustements techniques.
Objectif à terme : passer sous la barre des 60 minutes, ce qui rendrait cette approche encore plus compétitive. Pour y parvenir, les chirurgiens travaillent à la mise au point de nouveaux instruments et à l’optimisation de la pose des sutures dans un espace de travail très restreint.
Une procédure prometteuse, mais encore réservée à quelques centres
Pour l’instant, cette chirurgie transcervicale robotisée du cœur n’est disponible que dans un seul hôpital au monde : la Cleveland Clinic. Seuls des patients soigneusement sélectionnés et souffrant d’une sténose aortique isolée peuvent en bénéficier.
Mais les perspectives sont vastes. Si les résultats continuent à confirmer la sécurité et l’efficacité de la procédure, elle pourrait devenir une nouvelle norme dans les années à venir. Elle serait particulièrement intéressante pour les patients jeunes, actifs ou fragiles, qui redoutent les suites longues et douloureuses d’une chirurgie classique.
Le Dr Samir Kapadia, président du département de médecine cardiovasculaire à la Cleveland Clinic, le souligne : « Cette intervention pourrait être privilégiée par les patients si elle offre des résultats équivalents aux techniques existantes, avec une récupération plus rapide et moins de douleurs. »
Vers une révolution silencieuse mais décisive
Ce n’est pas tous les jours qu’une chirurgie du cœur peut se faire sans ouvrir la poitrine. En associant robotique, mini-invasivité et ingéniosité clinique, cette nouvelle technique propose une voie radicalement différente pour traiter une pathologie fréquente et grave : la sténose aortique.
Discrète, mais potentiellement majeure, cette innovation pourrait redéfinir la manière dont on soigne le cœur dans les prochaines décennies. Le futur de la chirurgie cardiaque pourrait bien passer… par le cou.
