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Explosion de phytoplancton dans la Péninsule du Yucatán. Crédits : Wikimedia Commons.

Une nouvelle étude démontre comment les bactéries océaniques peuvent influencer les nuages

Récemment, une équipe de chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) a démontré comment les propriétés métaboliques des bactéries océaniques influaient sur la quantité de soufre émis vers l’atmosphère. Et, ce faisant, leur aptitude à moduler la couverture nuageuse de notre planète.

Au sein du système climatique, les processus et interactions sont aussi divers que variés. Une complexité en partie liée au caractère très hétérogène du système considéré. C’est-à-dire, formé de composantes aux propriétés très différenciées.

Une nouvelle étude parue dans la revue Nature communications vient illustrer cette dimension de forte interconnexion. Plus précisément, elle mûrit la question de l‘influence du métabolisme bactérien sur l’émission de particules soufrées de l’océan vers l’atmosphère. Par ailleurs, le papier évoque le lien étroit qui existe entre ces rejets et la formation des nuages bas en zone océanique.

Bactéries : des cycles biogéochimiques marins…

Proliférant dans l’océan, les bactéries étudiées se nourrissent d’un composé organosulfuré nommé DMSP – acronyme pour diméthylsulfoniopropionate. Il est notamment issu du phytoplancton qui en produit plus d’un milliard de tonnes par an. « Le DMSP satisfait 95 % de la demande de soufre des bactéries marines et 15 % de leur demande de carbone » précise Cherry Gao, auteure principale de l’étude.

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Illustration de bactéries océaniques du genre Ruegeria issues de sédiments marins. L’échelle est donnée en bas à gauche de chaque figure. Crédits : Jinsoo Kim & al. 2019.

Point important, les micro-organismes peuvent convertir ce composé en biomasse effective selon deux mécanismes différents. Le premier chemin métabolique conduit à la consommation du carbone et du soufre contenus dans le DMSP. A contrario, le second conduit à la consommation du carbone mais au rejet de sulfure de diméthyle (DMS) dans l’atmosphère.

… à la couverture nuageuse planétaire

Or, les particules de DMS agissent comme des noyaux de condensation autour desquels la vapeur d’eau tend à se condenser. Par conséquent, la modulation du flux de sulfure de diméthyle depuis l’océan vers l’atmosphère tend à influer sur les propriétés des nuages bas. Lesquels jouent un rôle crucial pour le climat terrestre. Une augmentation des stratocumulus aurait par exemple un impact refroidissant via une plus forte réflexion du rayonnement solaire.

Jusqu’à présent, les scientifiques ne comprenaient pas ce qui déterminait le chemin métabolique que les bactéries adoptaient. En menant des tests en laboratoire sur le genre Ruegeria, les chercheurs ont pu éclairer de façon très directe la question. En particulier, il est apparu qu’avec un faible taux de DMSP, le premier chemin était privilégié. Et inversement avec un fort taux de DMSP – supérieur à quelques micromoles.

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Champ de stratocumulus marins. Crédits : Needpix.

Puisque l’eau de mer a une teneur moyenne en DMSP de l’ordre des nanomoles, le processus métabolique dominant est celui qui se concrétise par la consommation du carbone et du soufre. Et donc l’absence de rejet de sulfure de diméthyle. Toutefois, localement, à proximité d’explosion de phytoplancton, la concentration en DMSP est supérieure à sa valeur moyenne de plusieurs ordres de grandeur. De fait, le second chemin est privilégié et les bactéries rejettent du DMS dans l’atmosphère.

« Ainsi, l’étendue des formations nuageuses peut finalement dépendre des détails de l’interaction entre les micro-algues (phytoplancton) et les bactéries marines » souligne Roman Stocker, co-auteur du papier. Une découverte importante que de futurs travaux devront néanmoins évaluer avec plus de précision.

Source

Rédigé par Damien ALTENDORF