Une monopolisation des vaccins par les pays riches pourrait entraîner deux fois plus de décès qu’une distribution équitable

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Crédits : fernandozhiminaicela/Pixabay

La manière dont seront distribués entre chaque pays les futurs vaccins contre la Covid-19 pourrait faire une énorme différence sur le nombre de décès à venir selon un rapport. Une monopolisation des vaccins par les pays riches pourrait en effet entraîner deux fois plus de décès que de les distribuer équitablement.

Une véritable « course » aux vaccins

Une dizaine de vaccins font actuellement l’objet d’un essai clinique de phase 3, la dernière étape avant une potentielle mise sur le marché. D’ailleurs, les premiers résultats commencent à tomber. Le 9 novembre dernier, les laboratoires Pfizer et BioNTech annonçaient en effet que leur candidat vaccin était « efficace à 90 % » dans la prévention des infections au Covid-19. Notez que ce taux d’efficacité vient de grimper à 95%, selon de nouvelles données publiées ce mardi.

Quelques jours plus tard, la société de biotechnologie américaine Moderna soulignait également des résultats prometteurs, avec un taux d’efficacité estimé à 94,5%. Ces laboratoires comptent même formuler une demande d’autorisation d’utilisation d’urgence à la Food and Drugs Administration (FDA) pour une disponibilité en décembre 2020.

Ils ne sont pas seuls dans la « course ». Le vaccin Spoutnik V est efficace à 92 % d’après un communiqué de Mikhail Murasko, ministre russe de la Santé. La Russie n’a d’ailleurs pas attendu les résultats finaux pour commencer sa distribution au sein de ses frontières. Pas moins de 10 000 volontaires, personnes à risques et personnels de santé ont en effet déjà reçu leur vaccin.

Toutes ces annonces ont suscité beaucoup d’espoir à travers le monde, laissant entrevoir un possible « bout du tunnel ». De fait, les commandes affluent. L’Union européenne a par exemple d’ores et déjà commandé 200 millions de doses du candidat-vaccin de Pfizer, avec une option de 100 millions de doses supplémentaires. Côté russe, une cinquantaine de pays auraient également montré leur intérêt et plus 1,2 milliard de doses seraient déjà en préparation.

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Crédits : Pikist

Les enjeux de la distribution des vaccins contre la Covid-19

Se pose alors la question de la distribution de ces vaccins. Au niveau national, premièrement, quelles seront les personnes prioritaires ? En juillet, la Haute Autorité de santé (HAS) avait proposé quelques recommandations. Les cibles prioritaires seraient les professionnels de santé et du médico-social, les seniors de plus de 65 ans, les malades chroniques et les obèses. Dans ce scénario, la France aurait besoin de 46 millions de doses.

Toutefois, la question de la distribution internationale de ces vaccins se pose également dans la mesure où les pays disposant de ressources financières plus importantes stockent déjà de manière préventive des doses limitées de candidats-vaccins. Et selon un nouveau rapport commandé par la Fondation Bill & Melinda Gates à la Northeastern University, les enjeux sont énormes.

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont analysé deux scénarios de vaccination différents. Le premier implique une cinquantaine de pays à revenu élevé monopolisant les deux premiers milliards de doses du vaccin Covid-19. Dans le second scénario, les doses sont distribuées de manière équitable en fonction de la population de chaque pays et non de sa capacité à se payer le vaccin.

Résultat, les modèles suggèrent que 61% des décès pourraient être évités si le vaccin était distribué équitablement, tandis que seulement 33% des décès seraient évités si seuls les pays à revenu élevé accédaient aux premiers vaccins. « C’est toute une différence« , souligne Alessandro Vespignani, principal auteur du rapport. « On voit tout de suite qu’au niveau mondial, le deuxième scénario est bien supérieur, et pas uniquement pour des raisons éthiques« .

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À ce jour, la pandémie de Covid-19 a touché plus de 56 millions de personnes dans le monde. Crédits : Capture d’écran/Université John Hopkins

Des limites à l’étude

L’étude présente quelques limites. Pour éviter de faire des hypothèses imprévisibles sur l’évolution future de la pandémie, l’équipe a en effet préféré examiner ce qui se serait passé si un vaccin avait été disponible à la mi-mars, durant la première vague. Sans vaccin réel, les chercheurs ont également dû se projeter quant à son efficacité. Le modèle considère ici un taux d’efficacité situé entre 80 et 65% en une seule dose, deux semaines après l’administration avec trois milliards de doses administrées au total.

Ainsi, on ne sait pas si ces estimations pourraient être pertinentes actuellement. « Il y a encore de nombreux facteurs inconnus qui ne sont pas pris en compte dans ce modèle », admet le chercheur. « Par exemple, combien de personnes seront immunisées dans les prochains mois ? Quelle sera l’efficacité réelle du vaccin ? Et même si les pays ont les moyens d’acquérir suffisamment de doses, ont-ils les ressources et la coordination pour les distribuer ?« 

Quoi qu’il en soit, les décisions sur la manière dont les pays attribuent les vaccins ne peuvent être prises sur la base d’un seul modèle. « Mais pour l’instant, les résultats sont clairs. Lorsque les pays coopèrent, le nombre de décès est divisé par deux« , conclut le chercheur.